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Helicobacter pylori: les aléas de l’éradication

L’infection à Helicobacter pylori ne serait pas trop gênante si elle se contentait d’être hautement prévalente. Le vrai problème réside dans sa pathogénicité. Il faut donc l’éradiquer mais en veillant bien à éviter les inconvénients potentiels de cette éradication.

On se souvient de la bombe qu’a constitué, il y a quelques années déjà l’annonce que l’ulcère gastrique était une maladie infectieuse. Personne n’y a cru à l’époque mais aujourd’hui, c’est le contraire: plus personne ne met en doute le rôle de la bactérie Helicobacter pylori dans la survenue de cette affection et même dans d’autres maladies, plus graves encore.

On sait aussi que l’infection se contracte avant l’âge de dix ans et qu’une fois contractée, elle se prolonge pendant de très longues années. Mais la plupart de ces infections restent asymptomatiques et seulement 5% environ des lésions précancéreuses qui lui sont dues vont évoluer de manière plus dramatique. Cette bactérie peut aussi être responsable de cancer gastrique et de certains lymphomes de l’estomac. On l’a encore incriminé dans des cancers oesophagiens, des dyspepsies fonctionnelles, la maladie de reflux gastro-oesophagien, certains cas d’asthme, etc. Et même si la prévalence de l’infection à Hp diminue dans tous les groupes d’âge, la préoccupation demeure car les connaissances évoluent et on découvre encore des affections probablement liées sa présence, c’est la raison pour laquelle il reste recommandé de l’éradiquer chez les porteurs, adultes ou enfants, qui sont à risque ou qui présentent des symptômes compatibles avec les affections liées à Hp.

Triple traitement

La méthode d’éradication la plus largement proposée consiste à associer deux antibiotiques et un inhibiteur de la pompe à protons. Il s’agit donc d’une cure d’antibiotiques, même si on peut considérer qu’elle a une portée plus préventive que thérapeutique puisque l’objectif est de prévenir le risque d’ulcère, voire de cancer de l’estomac. Cette cure comporte le même risque que tous les autres traitements par antibiotiques, à savoir celui de diarrhée, parfois de diarrhée grave comme la colite pseudomembraneuse à Clostridium difficile. D’un point de vue théorique, il n’est donc pas inutile d’envisager une prévention de cette complication bien connue des traitements antibiotiques. Mais dans la réalité, une telle prévention apporte-t-elle quelque chose? C’est la question que se sont posée H. Szajewska et al. (Varsovie), ce qui les a amenés à effectuer une méta-analyse concernant l’impact de la levure Saccharomyces boulardii dans le cadre d’une triple thérapie d’éradication d’Helicobacter pylori, sur l’éradication elle-même d’une part, sur les effets secondaires de la triple thérapie, d’autre part. Ces auteurs ont donc passé au crible les bases de données de la littérature et y ont relevé les essais cliniques randomisés sur la question. Après une très sévère sélection, ils n’ont retenu que cinq de ces études (sur les 894 qu’ils avaient pu repérer) qui répondaient aux critères de qualité pré-établis et fournissaient des données suffisantes, notamment la certitude de la présence d’Hp, l’utilisation de Saccharomyces boulardii contre un placebo ou rien, la confirmation post-traitement de l’éradication d’Hp, les effets secondaires et leur fréquence, parmi lesquels les effets secondaires gastro-intestinaux (entre autres les diarrhées), etc.

Plus efficace, moins gênante

Les cinq études retenues comptaient un total de 137 patients, dont 90 enfants. Par comparaison avec un placebo ou l’abstention thérapeutique, Saccharomyces boulardii pris en même temps que la triple thérapie avait significativement augmenté (de plus de 10%) le taux d’éradication (le «risque relatif» d’éradication était de 1,13 calculé sur quatre études totalisant 915 patients). Le risque relatif de l’ensemble des effets secondaires liés au traitement d’éradication était de 0,46 sur les cinq études retenues, ce qui correspond à une nette diminution. Pour les diarrhées, en particulier, ce risque était de 0,47, ce qui signifie que les patients qui ont pris S.b. pendant la triple thérapie d’éradication ont encouru moins de la moitié des diarrhées enregistrées chez ceux qui n’en ont pas pris. Les auteurs concluent donc à l’intérêt de la prise de Saccharomyces boulardii simultanément à une cure d’éradication de Hp, non seulement pour éviter les effets secondaires potentiels des antibiotiques, notamment les diarrhées, mais encore pour augmenter l’efficacité de l’éradication elle-même.

Garanties

On peut rappeler en passant qu’il n’existe en Belgique qu’une seule préparation de Saccharomyces boulardii enregistrée comme médicament. Cela pourrait paraître limité à une simple formalité administrative mais il n’en est rien. Il faut se souvenir que l’enregistrement d’un produit comme médicament le soumet à de nombreux contrôles très stricts qui vont de l’obligation de la preuve d’efficacité à l’exigence de contrôles de qualité très rigoureux et à la distribution dans le réseau des officines pharmaceutiques, avec la garantie offerte par un professionnel de haut niveau scientifique, le pharmacien lui-même, qui assume la responsabilité de ce qu’il délivre. C’est bien évidemment une garantie majeure pour le patient.

Dr Jean Andris

Références:

Szajewska H, Horvath A, Piwowarczyk A. Meta-analysis: the effects of Saccharomyces boulardii supplementation on Helicobacter pylori eradication rates and side effects during treatment. Alimentary Pharmacology and Therapeutics 2010.
doi:10.1111/j.1365-2036.2010.04457.x

Chey WD, Wong BCY. American College of Gastroenterology guideline on the management of Helicobacter pylori infection. Am J Gastroenterol 2007; 102: 1808–25.

Kamangar F, Sheikhattari P, Mohebtash M. Helicobacter pylori and its Effects on Human Health and Disease. Arch Iran Med. 2011; 14(3): 192-9.

Mana F, Vandebosch S, Urbain D. Prevalence of Helicobacter pylori infection in Belgium. Acta Gastroenterologica Belgica 2011 ; 74 (1): abstract E01 (XIIth Belgian Week of Gastroenterology, Liège, February 2011).

Miendje Deyi VY, Bontems P, Vanderpas J et al. Risk factors for antimicrobial resistance of Helicobacter pylori strains in Belgium: evolution during the last 20 years. Acta Gastroenterologica Belgica 2011 ; 74 (1): abstract D31 (XIIth Belgian Week of Gastroenterology, Liège, February 2011).

Pacifico L, Anania C, Osborn JF et al. Consequences of Helicobacter pylori infection in children. World J Gastroenterol. 2010; 16 (41): 5181-94.


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