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Du sang dans les selles

La mise sur pied d’une campagne en faveur du dépistage du cancer du côlon en Flandres est l’occasion de s’interroger sur la portée de la recherche de sang occulte dans les selles.

Le cancer du côlon est l’un des plus fréquents dans nos pays, chez la femme comme chez l’homme. C’est en fait le troisième en ordre de fréquence. Dans notre pays, De nombreuses études démontrent un lien entre des facteurs alimentaires et la survenue de ce cancer, même si d’autres facteurs, comme des facteurs génétiques par exemple, peuvent aussi y jouer un rôle. Une alimentation pauvre en fibres, notamment, constitue un facteur de risque. Des antécédents familiaux, une maladie inflammatoire du côlon (maladie de Crohn ou colite ulcéreuse) en constituent d’autres.

Dépistage justifié

Etant donné la fréquence et surtout la gravité de la maladie, qui reste de nos jours encore une affection difficile à traiter et au pronostic lourd, le dépistage précoce prend toute son importance. Il est recommandé à toute personne de plus de cinquante ans de se soumettre à une coloscopie. Mais l’examen, s’il est sans risque, est inconfortable pour le patient et peut heurter la pudeur de personnes qui se considèrent en bonne santé ou du moins qui n’ont aucun motif de plainte quant à leur santé. Un autre test, beaucoup plus simple, est basé sur la recherche de sang dans les selles. Il s’agit de sang dit occulte, parce que les quantités ne sont pas suffisantes pour qu’on puisse les voir à l’œil nu. Il s’agit donc de le détecter par des moyens chimiques. Le plus ancien test est l’hémoccult, qui permet de détecter l’activité peroxydasique de l’hémoglobine. Le support de la réaction de détection est une résine et on parle de test du gaiac. S’il s’en trouve dans les selles, c’est qu’il y a une perte de sang au niveau digestif. Toutefois, ce test pose plusieurs problèmes. En premier lieu, de nombreuses causes peuvent amener du sang dans les selles en micro-quantités. L’alimentation carnée est la première mais il y a aussi des hémorroïdes suintantes, le brossage de dents, certains légumes crus peuvent aussi amener une activité peroxydasique. Tout cela pour dire que des prescriptions diététiques et hygiéniques doivent être prises en compte par le patient avant de réaliser un tel examen et que son interprétation doit se faire avec la plus grande prudence.

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Porphyrines et anticorps

Sans pour autant rejeter le test de recherche de peroxydase, les scientifiques se sont d onc tournés vers d’autres techniques. Une méthode a été développée pour la mise en évidence des porphyrines dans les selles. Les porphyrines sont des métabolites de l’hémoglobine qui possèdent des propriétés de fluorescence. Il « suffit » donc théoriquement de mettre en évidence cette fluorescence dans les selles mais dans la pratique, ce n’est pas si simple. De plus, les porphyrines peuvent aussi provenir de la dégradation de la myoglobine, molécule transporteuse d’oxygène dans les cellules musculaires. Outre un manque de spécificité similaire à celui qui a été évoqué pour la peroxydase, on se trouve devant une difficulté supplémentaire, celle de la complexité de la mise en évidence de la fluorescence des porphyrines. Une troisième solution existe : c’est la mise en évidence de l’hémoglobine dans les selles par une méthode immunologique. Le principe est simple puisqu’il est basé sur l’utilisation d’anticorps dirigés contre l’hémoglobine elle-même. Et il présente un avantage non négligeable en raison de la spécificité des anticorps : le test immunologique est spécifique de l’hémoglobine humaine. Il n’y a donc pas de risque de faux positif : si le test est positif, c’est qu’il a détecté de l’hémoglobine humaine, donc qu’il y a perte de sang par voie basse.

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Prudence quand même

Il reste une dernière difficulté : même si on est sûr de l’existence d’un saignement, si minime soit-il, les tests ne nous disent pas quelle est la localisation de cette perte. Toutefois, le test immunologique de détection de l’hémoglobine est pratiquement incapable de détecter du sang provenant d’un saignement situé en amont de l’estomac ou au niveau de celui-ci. L’acidité gastrique, en effet, détruit suffisamment l’hémoglobine pour qu’elle n’ait plus une structure reconnaissable par les anticorps utilisés dans le test. Résultat : s’il provient du tube digestif, le sang repéré ne peut venir que de la partie basse, c’est-à-dire des intestins. C’est déjà beaucoup plus précis que pour les autres tests mais on se souviendra que même au niveau intestinal, il peut y avoir de nombreuses causes de saignements et qu’il ne s’agit pas toujours d’un cancer, loin de là. Par conséquent, si le test est positif, il faut poursuivre les investigations.

Dr Jean Andris

Référence:

Marbet U. Méthodesz de recherche de sang occulte dans les selles. Forum Médical Suisse 2006 ; 6 : 291-8.


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