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EFSA et allégations: deux poids, deux mesures?

Les avis de l’European Food Safety Agency se suivent et ne se ressemblent pas. Ainsi, la vitamine C a vu l’agence accepter la plupart de ses allégations dès 2009, alors que la même agence a récemment rejeté la quasi-totalité de celles qui concernent les probiotiques. Comment expliquer cela ?

L’Europe veille sur nous. Elle a mis sur pied une agence d’évaluation des médicaments (EMA, European Medicine Agency) et une agence de sécurité alimentaire (EFSA, European Food Safety Control). Faut-il s’en plaindre? Certainement pas: ces agences travaillent à notre bien-être. Mais il y a un revers à toute médaille et aujourd’hui nos aliments sont tous contrôles étroit jusque sur leur emballage. C’est qu’on vient d’une époque de véritable frénésie en matière d’allégations et il fallait bien mettre un peu d’ordre dans tout cela. Ceci dit, pourquoi certaines allégations sont-elles acceptées et pourquoi d’autres sont-elles rejetées? Nous prendrons deux exemples, celui de la vitamine C et celui des probiotiques.

Une longue histoire

Si on regarde quelque peu vers le passé, on s’aperçoit que l’histoire de la vitamine C est déjà très longue. Comme dans beaucoup de cas, elle a commencé avec la pathologie, en l’occurrence le scorbut. Il y a plusieurs récits documentés d’équipages de marins sauvés du scorbut par la consommation de végétaux qu’on a par la suite reconnus comme riches en vitamine C. Et cela a commencé dès le 16e siècle. En 1928, Stefansson montrait que si les Eskimos survivaient sans végétaux dans leur alimentation, c’est parce qu’il consommaient de la viande très fraîche et peu cuite. Peu de temps après, Szent-Gÿorgyi et son équipe ont isolé le facteur anti-scorbut, l’acide ascorbique. Il a reçu pour cela le Prix Nobel de Médecine en 1937. Puis la synthèse de la vitamine C fut réalisée et on put la fabriquer industriellement et en étudier en détail le métabolisme et les effets. La vitamine C a donc derrière elle une longue histoire. Le résultat de tout cela, c’est que la vitamine C a eu le temps de faire ses preuves dans de nombreux domaines, parmi lesquels l’hypertension, la dysfonction endothéliale, l’inflammation chronique, l’infection à Helicobacter pylori, etc. Les études ont d’ailleurs pu être menées avec une méthodologie très proche de celle des études cliniques en pharmacologie. Et en matière nutritionnelle, on a même pu établir que le minimum d’apport journalier par voie alimentaire était de 200 mg/j pour maintenir la santé et favoriser le moindre risque des maladies concernées. Une très belle publication de l’Institut Linus Pauling, spécialisé dans l’étude de la vitamine C, vient de paraître à ce sujet sous la direction de B. Frei. Dans la même revue de littérature est également posée la question du maximum toléré et les auteurs signalent qu’une dose de 1 à 2g/j doit être considérée comme un maximum. Mais même cette prudente limite est parfois contestée, avec pour argument que des cas connus de doses parfois très nettement supérieures n’ont pas provoqué de problèmes. Il existe dans nos pays des cas d’insuffisance et dans certaines situations telles qu’une fatigue anormale, un supplément peut favoriser l’évolution favorable s’il n’y a pas de cause organique sous-jacente.

Une science toute jeune

Paradoxalement, les probiotiques ont sans doute été utilisés sans le savoir par les Hommes de la préhistoire, alors qu’ils conservaient tant bien que mal leur maigre butin de chasse. Et cela a sans doute continué pendant de très nombreux siècles, jusqu’à tomber dans l’oubli à l’exception des cultures qui consommaient du yoghurt et autres kéfir. Ce n’est qu’au début du XXe siècle (1907) que le biologiste Metchnikoff a suggéré pour la première fois que des micro-organismes pourraient jouer un rôle bénéfique pour la santé. Metchnikoff a reçu lui aussi le Prix Nobel de Médecine (avec Paul Erlich en 1908) mais ce n’est pas pour des travaux sur les probiotiques. Ce sont ses recherches sur l’immunité, en particulier sur les macrophages, qui lui ont valu cette récompense. Par la suite, le Japonais Minoru Shirota proposa dès les années 1930 un produit fermenté à base de lactobacilles d’une souche bien particulière. C’était le début de Yakult. Depuis lors, les études se sont largement multipliées sur les bienfaits des probiotiques. On dispose aujourd’hui d’une somme impressionnante d’arguments pour considérer que la notion de probiotiques, avec leurs apports bénéfiques pour la santé, est une réalité. Mais comme l’ont souligné les spécialistes des probiotiques eux-mêmes, certains aspects des études concernant les propriétés spécifiques des souches doivent être approfondis, de même que leur identification , les quantités, etc. Des résultats contradictoires apparaissent encore dans la littérature et les critères d’évaluation ne sont peut-être pas toujours judicieux. Mais du côté des autorités régulatrices, il faut bien reconnaître aussi que la tendance est un peu trop marquée à adopter une attitude proche de celle que l’on doit avoir en matière d’évaluation des médicaments. Nous sommes ici dans le domaine de l’alimentation et pas dans celui de l’art de guérir.

Des copies à revoir

La conclusion de tout cela, c’est que certains faits sont bien établis, comme la plupart de ceux qui concernent la vitamine C. Par contre d’autres données sont sans nul doute exactes mais leur appui scientifique doit encore être renforcé. L’agence de contrôle elle-même doit affiner son propre fonctionnement, les autorités politiques doivent sans doute revoir leurs définitions de manière à ne pas confondre pharmacie et alimentation et les chercheurs doivent eux aussi réorienter leurs méthodes. Tout le monde semble en être conscient puisque les institutions officielles concernées aussi bien que des panels de scientifiques ont proposé des guidelines pour ces différents aspects de la problématique.

Dr Jacques Dinars

Références:

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