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Prends garde à la vitamine D

On connaît le manque plus ou moins important de vitamine D chez nos aînés, surtout ceux qui vivent en institution. Mais d’autres groupes sont menacés ou touchés par cette carence. Il est temps que les professionnels de la santé soient vigilants.

La vitamine D fait beaucoup parler d’elle. Mais la connaissons-nous bien? Certes, chacun sait qu’elle dérive du noyau stérane. Le calciférol, sa forme de base, est synthétisée dans la peau sous l’effet des rayons ultraviolets B du soleil. Elle subit une première hydroxylation dans le foie pour devenir ergocalciférol (vitamine D2) puis une seconde dans le rein pour acquérir la forme du cholécalciférol ou vitamine D3, la forme la plus active. On trouve aussi de l’ergostérol, un autre composé de ce groupe de vitamines solubles, dans les levures et les plantes. En fait, on continue à parler de vitamine mais les experts s’accordent, depuis quelques années déjà, pour dire du cholécalciférol qu’il s’agit d’une hormone. Pour rappel, une hormone est une substance à activité biologique qui est produite au niveau d’un ou plusieurs organes (ici, le rein), qui est transportée par le sang et qui agit à distance sur des organes cibles (par exemple dans le cas présent, l’intestin grêle et les os).

Des fonctions multiples

La fonction biologique majeure de la vitamine D est le maintien des taux sériques normaux de calcium et de phosphore. Elle peut moduler l’absorption intestinale de ces deux minéraux à partir de l’alimentation. Cela se passe au niveau de l’intestin grêle. Si les apports alimentaires en calcium sont insuffisants, la vitamine D, conjointement avec la parathormone sécrétée par les parathyroïdes, stimule la formation d’ostéoclastes, qui réalisent une ostéolyse sous l’influence de différents facteurs, dont certaines cytokines. L’ostéolyse ou décomposition osseuse libère du calcium vers le sang. Mais de nombreux autres tissus et cellules peuvent reconnaître la vitamine D3: c’est le cas du cerveau, du cœur, du pancréas, des cellules mononucléaires, des lymphocytes et de la peau. Le rôle de la vitamine D au niveau de ces structures n’est pas entièrement connu et fait l’objet de nombreuses recherches.

Des maladies de carence

Dans la nature, peu d’aliments contiennent de la vitamine D. Il y a ceux qui contiennent des huiles de poisson, les poissons gras, le foie et la graisse des animaux marins, les produits laitiers. Pour l’homme, la principale source est constituée par les produits enrichis en vitamine D. La déficience résulte en une minéralisation insuffisante des os. Si elle survient avant la fin de la formation complète des os, ceux-ci peuvent se déformer et on voit alors apparaître les stigmates du rachitisme: tibias en lame de sabre, sillon et chapelet rachitiques au niveau du thorax, ramollissement de la voûte crânienne (crâniotabès). Si l’insuffisance d’apport survient après la formation complète des os, ceux-ci présenteront au microscope de larges zones de tissu déposé mais non calcifié: c’est l’ostéomalacie (littéralement «os mous»). C’est dire l’importance de la vitamine D pour les os. Mais des recherches suggèrent qu’elle est importante également pour l’immunité, pour les muscles et pour le cerveau. On a mis en évidence un rôle protecteur de la vitamine D contre le diabète et peut-être contre certains cancers. Il y a en tout cas une relation inverse entre le statut en vitamine D et le syndrome métabolique.

Des groupes carencés

Dans notre pays, une enquête vient de mettre en évidence une prévalence élevée de déficience en vitamine D chez la femme enceinte. Cinquante cinq centres d’obstétrique ont participé à cette enquête, réunissant 1.311 femmes enceintes. Leur taux sérique de vitamine D2 (25-hydroxyvitamine D) était significativement plus bas au premier trimestre qu’au troisième trimestre. Mais 75% d’entre elles avaient un taux insuffisant en vitamine D (taux sérique inférieur à 30 ng/ml) et 44,6% étaient victimes d’une déficience. Environ une sur huit (12,1%) souffrait de déficience sévère. C’est pour les femmes qui avaient le niveau d’éducation le moins élevé et qui déclaraient ne pas aller en vacances vers des destinations ensoleillées que le risque était le plus élevé. Ce risque de déficience grave était moins important pour les femmes qui déclaraient consommer de l’alcool au cours de leur grossesse et pour celles qui utilisaient plus abondamment des écrans solaires. Il augmentait avec le tabagisme et la préférence pour l’ombre.

Il est temps d’agir

Chez l’enfant, de nombreuses études rapportent une recrudescence mondiale du rachitisme, malgré les recommandations des experts pour des apports adéquats. Une déficience en vitamine D a également été mise en relation avec l’obésité. Certains auteurs ont même été jusqu’à calculer qu’une augmentation de 1% du BMI correspondait à une baisse de 5% de la 25-hydroxyvitamine D. Enfin, ce qui est mieux connu, c’est la subcarence ou la carence franche des seniors résidant en maison de repos. Bref, il est grand temps de nous assurer que nos patients ont des apports et des taux suffisants et de prendre les mesures qui s’imposent.

Dr Jean Andris

Références:

Boucher BJ. Is vitamin D status relevant to metabolic syndrome? Dermato-Endocrinology 2012; 4(2): 212-4.

Pela I. How much vitamin D for children? Clinical Cases in Mineral and Bone Metabolism 2012; 9(2): 112-7.

US Institute of Medicine Standing Committee on the Scientific Evaluation of Dietary Reference Intakes. Dietary Reference Intakes for Calcium, Phosphorus, Magnesium, Vitamin D, and Fluoride. National Academies Press (Washington DC, USA), 1997.

Vandevijvere S, Amsalkhir S, Van Oyen H et al. High prevalence of Vitamin D deficiency in pregnant women: a national cross-sectional survey. PLoS ONE 2012; 7(8): e43868. doi:10.1371/journal.pone.0043868.


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