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Faible risque cardiovasculaire ? Méfiance …

L’estimation du risque cardiovasculaire est sans doute un peu trop optimiste par rapport à la réalité. De nombreuses personnes sont donc laissées sans mesure préventive. Mais même sans tenir compte de cette erreur potentielle, une frange de la population au cholestérol un peu trop élevé reste sans véritable prise en charge.

Les scores de l’European Society of Cardiology1 permettent de calculer, en fonction d’un certain nombre de critères, le risque d’accident cardiovasculaire encouru par chaque patient. Ces scores sont d’une très grande utilité et ont attiré l’attention des agents de santé sur le fait que les facteurs de risque interagissent pour augmenter le risque réel. Il ne faut donc pas se laisser leurrer par la faible amplitude d’un facteur de risque et croire qu’il n’a pas d’influence sur le risque global. Un léger surpoids, une alimentation un peu trop riche, une discrète hyperlipémie pratiquent l’association de malfaiteurs. La prévention et la correction des facteurs de risque, même s’ils ont un faible niveau, doit se faire pour éviter la catastrophe individuelle et collective.

Un groupe intermédiaire

D’une manière générale, les recommandations de l’European Society of Cardiology fixent comme valeurs cibles un taux de cholestérol total inférieur à 5 mmol/l (≈ 190 mg/dl) et un taux de LDL cholestérol inférieur à 3 mmol/l (≈ 115 mg/dl). Mais pour des personnes qui simultanément sont porteuses d’autres facteurs de risque et ont donc un risque cardiovasculaire global plus élevé, les valeurs cibles sont plus basses. En considérant seulement les personnes à faible risque (score européen entre 1 et < 5), les recommandations ne proposent que des mesures hygiéno-diététiques si le LDL est inférieur à 2,5 mmol/l (100 mg/dl). Si le LDL est supérieur à 100 mg/dl mais reste en dessous de 4,9 mmol/l (190 mg/dl), les guidelines considèrent que l’on peut envisager les médicaments hypocholestérolémiants mais elles ne les recommandent clairement qu’au delà de ce taux. Il y a donc entre 2,5 et 4,9 mmol/l de LDL une sorte de no man’s land, dans lequel un petit coup de pouce peut être nécessaire sans qu’il soit besoin d’aller vers les médicaments. Dans cette zone, certains suppléments alimentaires peuvent contribuer à la réduction du risque. Ce groupe intermédiaire, que l’on a un peu trop facilement tendance à laisser à lui-même, en se bornant à lui prodiguer éventuellement quelques « bon conseils », n’est pas une minorité. Pour situer autant que possible la problématique, on peut se référer aux statistiques fournies par Cox et al.2 pour la population blanche américaine en bonne santé, en 1990. Selon ces données, un LDL cholestérol inférieur à 100 mg/dl correspond grossièrement au percentile 5 et un LDL de plus de 190 mg/dl est proche du percentile 95. Le « no man’s land » dont il est question s’inscrit entre ces deux repères : il couvrirait donc quelque 90% de la population étudiée par ces auteurs. On peut donc s’attendre à ce qu’une proportion non négligeable d’individus aient un taux de LDL cholestérol entre 2,5 et 4,9 mmol/l.

Un risque évolutif

Une autre notion, mise en évidence par Iribarren3 est importante: seule une moitié des individus qui, entre jeunes 18 et 30 ans, ont un taux de cholestérol total en dessous du 10e percentile restent dans ce percentile sept ans plus tard. Bell et al.4 ont, eux aussi, stratifié selon le niveau de risque cardiovasculaire deux groupes de personnes d’âge similaire (30-74 ans) qui ne recevaient pas de traitement pour leur pression sanguine ni pour leur cholestérol et dont le risque d’atteinte cardiovasculaire à 10 ans était estimé inférieur à 20%. Il s’agissait de personnes faisant partie de deux cohortes importantes, celles de la Tokyo Health Check-Up Study (13.757 participants) et des Framingham Studies. Leur objectif était d’évaluer le risque pour les personnes à faible risque de passer à un moment donné dans la catégorie à haut risque. Ils ont donc suivi ces patients et ont régulièrement réévalué leur niveau de risque. Au début de l’étude, la plupart d’entre eux avaient un risque à dix ans inférieur à 5%, ce qui est en-dessous du seuil recommandé par les guidelines européennes pour la prise en charge des facteurs de risque. Mais pour ces personnes, la probabilité de passer le seuil des 20% de risque d’affection cardiovasculaire à dix ans était déjà de 0,05% après 3 ans de suivi (cohorte de Tokyo) et de 0,5% au bout de 8 ans (Framingham). Ces chiffres peuvent paraître peu élevés mais sur le grand nombre, cela fait dans l’absolu un nombre non négligeable de victimes potentielles.

Un risque sous-estimé

Tout cela va sans compter que l’estimation du niveau de risque ne tient pas compte de tous les facteurs potentiellement impliqués. Bérard et al.5 ont évalué l’impact de paramètres vasculaires tels que la vitesse de propagation de l’onde pulsatile, la pression sanguine différentielle, ainsi que le nombre de plaques athéromateuses au niveau des fémorales et des carotides, sur l’évaluation du risque cardiovasculaire. L’échantillon des personnes qu’ils ont étudiées était constitué de 1132 participants à la cohorte de la Troisième Enquête européenne MONICA sur Toulouse. Il s’agissait de personnes du Sud Ouest de la France, âgées de 35 à 64 ans, appartenant à la population générale et apparemment en bonne santé. Au cours du suivi qui a duré 14 ans, 61 personnes de cet échantillon sont décédées, dont 20% pour cause cardiovasculaire. L’analyse statistique des données a montré que l’introduction de ces paramètres vasculaires dans le calcul du risque améliorait nettement la prédiction. Cette conclusion est objectivement étayée par deux critères statistiques, le « net reclassification improvement » (NRI) et l’ « Integrated Discrimination Improvement » (IDI). Ces deux indices sont précisément conçus pour évaluer l’amélioration d’une échelle prédictive lorsqu’on y introduit de nouveaux paramètres indépendants6. Une des conclusions qui s’imposent est qu’au moins une partie des personnes apparemment en bonne santé sont en réalité porteuses de risques et devraient être reclassées dans une catégorie de risque plus élevé

Un groupe négligé

Dans une étude portant sur 4609 personnes âgées de 35 à 74 ans choisies au hasard dans la population française, les paramètres utiles à l’évaluation du risque cardiovasculaire ont été collectés7. Dans cet échantillon, 1,2% des individus seulement ne présentaient aucun facteur de risque, selon les guidelines européennes et françaises. Parmi les autres personnes, celles qui appartenaient au groupe au risque le plus faible avaient malgré tout un cholestérol en moyenne 6,6% trop élevé par rapport aux valeurs cibles. Mais elles ne recevaient aucun traitement. Une deuxième conclusion est donc que ces personnes ne reçoivent pas de traitement alors qu’elles pourraient bénéficier de mesures adéquates. Il existe pourtant des moyens simples, comme certains suppléments alimentaires (à base de levure de riz rouge et polycosanols par exemple) pour contribuer à l’amélioration de cette situation8. Et c’est connu depuis longtemps.

Références:

1. Perk J, De Backer G, Gohlke H et al. for The Fifth Joint Task Force of the European Society of Cardiology and Other Societies on Cardiovascular Disease Prevention in Clinical Practice. European Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice (version 2012). European Heart Journal 2012; 33: 1635–1701. doi:10.1093/eurheartj/ehs092.

2. Cox RA, Garcia-Palmieri MR. Cholesterol, Triglycerides, and Associated Lipoproteins. In Walker HK, Hall WD, Hurst JW (eds), Clinical Methods: The History, Physical, and Laboratory Monétisation. 3rd edition. Butterworths, Boston, 1990.

3. Iribarren C, Jacobs DR Jr, Slattery ML et al. Epidemiology of low total plasma cholesterol concentration among young adults: the CARDIA study. Coronary Artery Risk Development in Young Adults. Prev Med 1997; 26(4): 495-507.

4. Bell KJL, Hayen A, Irwig L et al. When to remeasure cardiovascular risk in untreated people at low and intermediate risk: observational study. BMJ 2013; 346: f1895 doi: 10.1136/bmj.f1895.

5. Bérard E, Bongard V, Ruidavets JB et al. Pulse wave velocity, pulse pressure and number of carotid or femoral plaques improve prediction of cardiovascular death in a population at low risk. J Hum Hypertens 2013 Feb 21 (Epub ahead of print]) doi: 10.1038/jhh.2013.8.

6. Pencina MJ. IDI, NRI and different c statistics. HYPERLINK "http://www.lerner.ccf.org/qhs/outcomes/documents/pencina.pdf" http://www.lerner.ccf.org/qhs/outcomes/documents/pencina.pdf En anglais, consulté en avril 2013.

7. Bongard V, Dallongeville J, Arveiler D et al. Attainment of low-density lipoprotein cholesterol target in the French general population according to levels of cardiovascular risk: Insights from the MONA LISA study. Arch Cardiovasc Dis 2013; 106(2): 93-102. doi: 10.1016/j.acvd.2012.11.003.

8. Heber D, Yip I, Ashley JM. Cholesterol-lowering effects of a proprietary Chinese red-yeastrice dietary supplement. Am J Clin Nutr 1999; 69: 231–6.


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