Par Nicolas Rousseau
" HEALTH & FOOD " numéro 57,
Janvier-Février 2003
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Près de 10 à 20 % de la population belge souffre, à des degrés divers, de constipation. Faut-il être étonné de cette situation ? Pas vraiment. Le mode de vie est probablement l’un des principaux motifs de la paresse intestinale. La sédentarité prend peu à peu le pas sur la vie active, stimulée par l’augmentation continue de l’obésité. Les causes sont aussi alimentaires : pour de nombreuses personnes dans le pays, la quantité de fibres ingérées par jour se situe en moyenne 20 % en dessous des apports nutritionnels recommandés. De plus, rares sont les individus qui s’assurent une hydratation quotidienne suffisante. Le manque de temps (oui, cela arrive !), la prise de médicaments (les préparations à base de fer, d’aluminium, antidouleurs, antidépresseurs), voire certaines maladies, provoquent bien souvent un embouteillage dans le côlon. La correction des mauvaises habitudes, l’usage des probiotiques ou la révision de la posologie médicamenteuse sont autant de mesures pour relancer la machine…
Dépassés, les laxatifs ?
L’emploi des laxatifs demeure fortement ancré dans les habitudes. Pourtant, certains scientifiques remettent purement et simplement en question leur utilisation systématique. Ainsi, une méta-analyse australienne (1) a passé au crible l’efficacité des laxatifs dans la constipation. Sur les 250 articles parcourus dans la littérature scientifique, seuls 35 rencontraient les critères d’inclusion. Parmi ceux-ci, 11 fournissaient des données directement exploitables, ce qui portait à un total de 375 patients sous laxatifs, contre 174 sous placebo.
Dans les études réalisées pendant un maximum de 4 semaines, les laxatifs étaient bel et bien opérants sur la fréquence (environ 2 fois plus de selles par semaine) et le poids des selles (augmentation moyenne de 476 g par semaine), mais la différence par rapport au placebo est négligeable (1 exonération supplémentaire par semaine et une augmentation du poids des selles de 434 g). Mieux encore, pour les études d’une durée de 5 à 12 semaines, ces différences, déjà minimes, s’annihilent…
Cette étude alimente encore un peu plus ce débat (pour ou contre le laxatif ?) et justifie peut-être une réévaluation de la pratique quotidienne.
Le riz constipe ?
Le riz est bien connu pour ses vertus antidiarrhéiques, mais sa réputation de constipant n’est pas méritée ! Les fibres insolubles (s’il est consommé complet) et solubles (surtout l’amidon résistant) qu’il renferme ont en fait une action régulatrice sur le transit intestinal. Pour s’en convaincre, il suffit de faire un petit détour dans l’Empire du riz, avec une récente étude japonaise, menée par l’Ecole de Médecine de l’Université de Hirosaki (2). Celle-ci a analysé le style de vie de 1699 habitants du Nord de l’île et l’a confronté aux habitudes de défécation. Si la pratique régulière d’un exercice physique (la marche) et la consommation d’alcool semblent écarter la constipation chez l’homme, c’est essentiellement le riz (la principale source quotidienne de fibres alimentaires au Japon) qui bénéficie de l’effet préventif le plus significatif, dans les deux sexes, mais avec une action plus marquée chez la femme. De quoi remettre les pendules à l’heure ?
Cholestérol : le psyllium avant les statines ?
Utilisées depuis longtemps comme traitement symptomatique de la constipation, les graines de l’ispaghule ou psyllium – surtout le tégument de la graine – sont aussi dotées d’un effet hypocholestérolémiant. Bien que celui-ci fasse déjà l’objet d’un grand nombre de publications, il est très peu exploité dans le traitement des hyperlipidémies.
Pourtant, aux USA, pour le psyllium comme pour les bêta-glucanes de l’avoine, la FDA autorise, depuis 1998, une allégation de santé. Les aliments et suppléments apportant au moins 1,78 g de pysllium (ou 0,75 g de bêta-gluycanes) par portion (en précisant qu’il faut quatre portions par jour) peuvent faire référence à la réduction du risque de maladie cardiovasculaire.
Une équipe de chercheurs indiens a comparé, chez des patients hyperlipidémiques, l’effet d’un traitement à base de psyllium (deux prises de 3,5 g par jour) à celui d’un traitement conventionnel à base de statines (simvastatine à raison de 20 mg/jour). Après 12 semaines, les résultats sont éloquents : le groupe “psyllium” affiche une amélioration sensible des paramètres lipidiques, que ce soit pour le cholestérol total (- 15,8 %), le LDL-C (- 22,97 %), le HDL-C (+ 10,69 %) ou les triglycérides (- 20,89 %).
Ces effets ne sont pas loin de ce qui est observé dans le groupe traité par la simvastatine (respectivement - 24,15 %, - 36,08 %, + 11,14 % et - 20,47 %). Les auteurs concluent que compte tenu de ces résultats, du faible coût du psyllium et de sa bonne tolérance, cet ingrédient mériterait d’être exploité chez les patients atteints d’hyperlipidémie, et ce, avant d’envisager un traitement médicamenteux classique. Précisons cependant que la durée de l’étude se limitait à 12 semaines et que ces résultats doivent encore trouver confirmation pour une plus longue période.
N.G.
Réf. : Kumar A et al. Indian Heart Journal 2002;54(5) |
Opter pour le gaz naturel…
Boire régulièrement de l’eau gazeuse soulage-t-il à la fois la constipation et les digestions difficiles (dyspepsie) ? Oui, à en croire des chercheurs italiens du département de Médecine Clinique et Expérimentale de l’Université Federico II de Naples (3). Pendant 15 jours, ils ont soumis à l’eau, de manière aléatoire, 21 patients atteints de dyspepsie et de constipation secondaire. Un groupe (10 patients) buvait de l’eau gazeuse, l’autre de l’eau du robinet.
La consommation d’eau pétillante a significativement réduit le score de dyspepsie et le score de constipation. L’eau de distribution était, elle, sans effet. Par ailleurs, la présence de bulles améliorait également le sentiment de satiété et la vidange de la vésicule biliaire. Autant en emporte le vent, finalement…
Nicolas Rousseau
Diététicien Nutritionniste
Réf. :
(1) Jones MP et al, Dig dis Sci 2002;47(10):2222-30
(2) Nakaji S et al, Eur J Nutr 2002;41(6):244-8
(3) Cuomo R et al, Eur J Gastroenterol Hepatol 2002 ;14(9):991-9 |