Par Nicolas Guggenbühl
" HEALTH & FOOD " numéro 58,
Mars-Avril 2003
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L'engouement pour les pro- et prébiotiques n’est pas sans rapport avec les fascinantes découvertes sur la flore intestinale, ce “continent sombre” apparaissant de plus en plus comme un maillon important de la santé et du bien-être. Pour les probiotiques, cela pourrait aussi répondre à certaines conceptions telles que “la vie entretien la vie” ou des craintes du style “notre alimentation est devenue stérile”. A ce titre, la “vague du vivant” porte de nombreux surfeurs de la “vague verte”.
Il faut dire les probiotiques, ces microorganismes vivants considérés comme bénéfiques pour la santé de celui qui les consomme, tout comme les prébiotiques, ces ingrédients qui stimulent la croissance de bactéries considérées comme bénéfiques, nourrissent bien des espoirs : protection vis-à-vis d’agents pathogènes, réduction de l’intolérance au lactose, prévention des diarrhées liées aux antibiotiques, prévention du cancer colorectal et stimulation du système immunitaire. Mais dans ce vaste terrain de revendication, il faut bien reconnaître que pour l’heure, c’est surtout pour la santé du temps de transit, en particulier en cas de constipation, que les probiotiques offrent le plus de gages scientifiques.
Plus de vie dans la voie lactée
À défaut d’apporter toutes les preuves à la hauteur de leurs revendications, on pourrait dire des probiotiques que dans la balance de la santé, il y a plus à gagner avec eux qu’à perdre. Mais encore faut-il que les probiotiques dignes de ce nom délivrent les micro-organismes précisés sur l’emballage, en quantités suffisantes et, surtout, vivants. Or, il semble bien que ces trois critères soient loin d’être de rigueur. C’est ce qu’avait souligné une étude de l’Université de Gand (1), effectué auprès de 30 suppléments et 25 produits laitiers probiotiques (cf. Health and Food n° 47). Elle montrait notamment que le nombre de bactéries vivantes était souvent trop faible dans les suppléments (103 à 106 CFU/g), alors que la situation était nettement meilleure dans les aliments (105 à 109 CFU/ml). Pire, 37 % des suppléments ne comportaient aucune bactérie viable. Les auteurs soulignaient aussi la piètre adéquation entre les micro-organismes annoncés sur l’emballage et ceux qui étaient véritablement présents. Ces observations sont confortées par une seconde étude de la RUG (2).
Yaourt et “superyaourt” : le “Bifidus” est-il actif ?
Y a-t-il une différence entre un probiotique tel qu’un yaourt simple et un probiotique contenant d’autres micro-organismes que les ferments du yaourt ? Oui, dans certains cas et pour certains paramètres. Ainsi, le Dr Deprez (Cliniques Universitaires St-Luc) a fait récemment le tour de plusieurs études* portant sur la consommation d’un yaourt contenant, outre les ferments classiques du yaourt (Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus), la souche Bifidobacterium DN-173010 (Activia, Danone). Il en ressort par exemple que pour ce qui est de l’intolérance au lactose, yaourt et “superyaourt” se valent. Par contre, le bifidus fait la différence au niveau du temps de transit : par rapport au yaourt, le yaourt + Bifidobacterium DN-173010 entraîne une réduction significative du temps de transit total et surtout, ce qui est le plus recherché en cas de paresse intestinale, du temps de transit sigmoïdien.
N.G. |
Un autre coup de sonde dans le panier des probiotiques a été effectué récemment par le magazine Test Santé (3). Il rapporte que pour les produits lactés probiotiques, tous contiennent une flore vivante et en principe suffisante. C’est aussi le cas de ceux vendus comme médicaments, contenant une flore abondante. Par contre, la moitié des suppléments ne renferment que des micro-organismes morts. L’information fournie sur les micro-organismes est incomplète ou incorrecte pour 40 % des produits fermentés et 53 % des compléments. Bref, ce que le probiotique est à l’intérieur (du produit) n’est pas toujours ce qu’il est à l’extérieur !
Nicolas Guggenbühl
Diététicien Nutritionniste
* A l’occasion de la publication d’une monographie sur Activia, qui a été approuvée par le Dr Deprez (UCL-St Luc).
(1) Temmerman R et al. Int J Food Microbiol. 2003 Feb 25;81(1):1-10.
(2) Temmerman R et al. Appl Environ Microbiol. 2003;69(1):220-6.
(3) Test Santé 2003;54:10-14. |