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Le régime crétois meurt à petit feu

Les Crétois les plus sages s’inquiètent aujourd’hui de voir disparaître peu à peu les traditions culinaires ancestrales dans les nouvelles générations. Le cordonnier finira-t-il par être le plus mal chaussé ? Des études récentes montrent qu’adopter la cuisine locale est toujours bon pour le cholestérol, où que l’on soit sur la planète…

Par Nicolas Rousseau

" HEALTH & FOOD " numéro 59,
Juin-Juillet 2003

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Le modèle original de l'alimentation crétoise est de plus en plus délaissé par les jeunes Crétois, qui quittent en masse les villages de montagne pour rejoindre les villes côtières, séduits par la culture « occidentale ». Pire encore, comme le souligne le Dr Anthony Kafatos (Ecole de Médecine de l'Université de Crète, à Héraklion), à l'occasion de la première édition du Congrès EGEA*, coordonnée par Aprifel (Agence Pour la Recherche et l'Information en Fruits et Légumes Frais), les dégâts de ce nouveau mode de vie se font déjà sentir non seulement sur le plan nutritionnel, mais aussi sur l'état de santé des Crétois.

Plus gros, plus gras

Ainsi, des études révèlent qu'entre la fin des années soixante et l'horizon 2000, la consommation de viande rouge surtout, mais aussi de poisson, à augmenté de 150 % et celle de graisses ajoutées ou cachées (autres que l'huile d'olive dont la consommation est en constante diminution) d'un peu moins de 100 %… Les frites, pratiquement absentes de l'île il y a plus de dix ans, remportent un vif succès populaire, tout comme les Fast Food, déjà bien implantés malgré la petite superficie habitable (8400 km2). Les végétaux quant à eux, se font de plus en plus rares dans l'assiette. Bref, le Crétois devient progressivement un Européen comme les autres…
Ces changements se matérialisent au baromètre santé surtout chez les enfants, les adolescents et dans les classes sociales supérieures, explique le Dr Kafatos. Le poids corporel moyen du Crétois a augmenté et l'obésité commence à prendre des proportions épidémiques. Chez les avocats, par exemple, le taux de cholestérol est sensiblement supérieur à celui du fermier crétois, un paramètre encore aggravé par une plus grande quantité d'acides gras saturés dans l'assiette.

Un comble !

Les résultats de l'étude des 7 pays d'Ancel Keys avaient mis en lumière l'admirable longévité des paysans crétois, … ainsi que la pitoyable santé cardiovasculaire des Finlandais ! Mais aujourd'hui, le gradient nord/sud s'affaiblit. La Finlande a pris le problème à bras le corps : l'obésité, le taux de cholestérol, la consommation d'acides gras saturés et la tension artérielle sont en chute libre… Et les extrêmes se rapprochent lentement, mais inexorablement. Effet de mode, inspiration des vacances ou véritable prise de conscience de la santé publique, la question demeure posée. Mais les études se font désormais aux quatre coins du globe : citons l'étude de Lyon et l' Indo-Mediterranean Diet Heart Study qui ont révélé une diminution des incidents cardiovasculaires de l'ordre de 70 %, en prévention secondaire.

Une étude plus récente, la Med-RIVAGE intervention study (1), menée à Marseille, enfonce encore un peu plus le clou.

La cigale ou la fourmi ?

Cette étude porte sur 37 hommes et 51 femmes originaires de Provence, présentant au moins un facteur de risque cardiovasculaire (obésité, taux de cholestérol trop élevé, tabagisme…). Le suivi était prévu à 3, 6 ,9 et 12 mois. Chaque participant a reçu un dépliant expliquant les principes de l'alimentation méditerranéenne ainsi que deux sets de menus saisonniers de 14 jours, avec les recettes correspondantes. En parallèle, 32 hommes et 49 femmes répondant au même profil adoptaient un régime habituel pauvre en graisses saturées et en cholestérol, comme édicté par l'American Heart Association (AHA). Au début de l'étude, l'alimentation de tous les sujets différait de l'alimentation méditerranéenne traditionnelle et se rapprochait plutôt de l'alimentation dite « occidentale » (riche en graisses, essentiellement saturées).

Les résultats après 3 mois sont sans équivoque : dans le groupe méditerranéen (versus groupe contrôle), le BMI a diminué de 5,1 % (vs – 3,9%), le cholestérol total de 6,9% (vs –3,6%), le LDL-cholestérol de 9,3 % (vs –2,2 %), l'apoB de 4,3 % (vs –3,2 %) et les triglycérides de 9,3 % (vs + 3,9 %). En dépit d'une proportion plus élevée de lipides provenant principalement de l'huile d'olive - néanmoins plus faible que dans l'alimentation occidentale - , le régime méditerranéen octroie, déjà après 3 mois, plus de bénéfices que les recommandations de l'AHA. La cigale peut donc continuer à chanter tout l'été…

Nicolas Rousseau
Diététicien Nutritionniste

*Congrès EGEA – Conférence Internationale sur les bénéfices santé de l'alimentation méditerranéenne – Aghia Crète, du 4 juin au 9 juin 2003.

(1) Poster présenté par S. Vincent et al. Inserm Unit 476-Human nutrition and lipids, Faculté de Médecine Timone, Marseille.

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