Les diarrhées aiguës de l’hiver vont faire leur grand retour, si ce n’est déjà fait. Il y a certes celles qui sont dues à des agents infectieux spécifiques des mois froids et humides, mais il y a aussi celles qui résultent des traitements antibiotiques des autres infections hivernales. Mais la multiplication des voyages à l'étranger en hiver est aussi évoquée pour expliquer une augmentation de fréquence des diarrhées de type « turista ».
Avant de rappeler quelques notions de physiopathologie et les grands principes de la prise en charge de ces diarrhées, il faut faire la différence entre diarrhée aiguë et diarrhée chronique (tableau I).
Définitions des diarrhées
Diarrhée
Poids des selles > 300 g/j
Consistance liquide (prennent la forme du récipient)
Diarrhée aiguë
Début brutal
Selles fréquentes (plus de 3/jour)
Depuis moins de 2 semaines.
Diarrhée chronique
Persiste depuis 4 semaines au moins |
Causes multiples
Parmi les causes infectieuses, les virus (rotavirus et calicivirus) occupent une place prépondérante dans l’étiologie des gastro-entérites hivernales, en particulier chez l'enfant de moins de 5 ans (40% des causes). Les facteurs de risque de contamination sont avant tout la présence dans l'entourage d'un enfant de moins de 2 ans lui-même atteint de diarrhée aiguë et une hygiène corporelle et alimentaire insuffisante. Pour ce qui est des diarrhées associées à l’antibiothérapie, il faut rappeler que tous les antibiotiques peuvent en être responsables. Les mécanismes ne sont cependant pas toujours les mêmes. Ainsi, certains antibiotiques agissent sur la motricité intestinale. C’est le cas non seulement des macrolides, mais aussi de l’acide clavulanique qui est associé à divers bêta-lactames dans certaines préparations, en tant qu’inhibiteur des bêta-lactamases. D’autres, comme la néomycine par exemple, ont un effet toxique sur la muqueuse intestinale. Enfin, les antibiotiques perturbent l’équilibre écologique de la flore digestive et peuvent favoriser la sélection intraluminale d’espèces pathogènes. Le cas le plus redouté est celui de la diarrhée à Clostridium difficile. Cette dernière n’est pas toujours de type sanguinolente, ce qui fait qu’on passe parfois à côté de son étiologie. Il faut se rappeler également qu’une diarrhée associée aux antibiotiques peut, certes, se déclencher pendant l’antibiothérapie mais aussi après un délai assez long, parfois plusieurs semaines après la fin du traitement antibactérien.
Bien connues, mais…
Les mesures à prendre devant une diarrhée aiguë sont, certes, bien connues. L’hydratation est la première d’entre elles. Nous ne rappellerons pas quelles en sont les modalités. La diète hydrique ne doit durer que le minimum de temps nécessaire et la reprise prudente d’une alimentation normale est souhaitée le plus tôt possible. Les antibiotiques ne doivent être utilisés que dans les diarrhées bactériennes ou parasitaires, par exemple pour la turista à condition qu’il y ait fièvre ou connaissance d’une étiologie liée à un germe invasif ou toxinogène. Par contre, si on soupçonne un antibiotique, si la diarrhée est simple, modérée et sans fièvre, et que l’antibiothérapie en cours n’est pas indispensable au traitement de l’affection qui avait provoqué sa mise en route, on l’arrêtera. Si elle est nécessaire, on l’achèvera en administrant en même temps un un probiotique. Saccharomyces boulardii lyophilisé trouve ici sa place.
Une aide précieuse
Si la diarrhée aux antibiotiques est profuse, fébrile, accompagnée de syndrome dysentérique et/ou si le patient est fragile, on recherchera Clostridium difficile dans les selles. Sa présence et la production de toxines justifieront l’arrêt de l’antibiothérapie en cours et la prescription de métronidazole per os (4 x 250 mg/j). Si la coloscopie confirme une colite pseudo-membraneuse, on ajoutera à ces mesures la prescription de vancomycine (4 x 125 à 500 mg mg/ j). L’association de S. boulardii à ce traitement permet de prévenir les rechutes de la colite à Clostridium difficile chez une proportion élevée des patients.
Dans la diarrhée associée aux antibiotiques, Saccharomyces boulardii lyophilisé utilisé comme unique traitement, a permis d’obtenir une réponse favorable. Par ailleurs, il ressort des études prospectives randomisées et en double aveugle que Saccharomyces boulardii administré pendant la durée de l’antibiothérapie et/ou dans les premiers jours qui suivent son arrêt, a réduit le pourcentage de patients présentant une diarrhée associée aux antibiotiques. Et lorsqu’elle survient, sa durée est plus brève chez les personnes qui prennent Saccharomyces boulardii que chez celles qui n’en prennent pas.
Dans le traitement des gastro-entérites aiguës, qu’elles soient d’origine virale ou bactérienne, il a été démontré par plusieurs études que S. boulardii réduisait significativement la symptomatologie. Enfin, l’efficacité de S. boulardii dans la prévention de la diarrhée du voyageur a été démontrée sur un vaste effectif de personnes se rendant dans différentes parties du monde.
Plusieurs mécanismes
Les chercheurs se sont souvent interrogés sur les mécanismes d’action de la levure Saccharomyces boulardii. Et chaque fois que de nouvelles connaissances étaient acquises sur la physiologie de la flore intestinale ou sur la physiopathologie des gastro-entérites, ils sont revenus sur cette question et ont engrangé de nouvelles découvertes. C’est ainsi qu’on a pu montrer, au fil des ans, que la levure exerce des effets trophiques sur la muqueuse intestinale et stimule nombre de ses fonctions : activités enzymatiques multiples, production de transporteurs…
Diverses constatations donnent à penser que cet effet trophique est attribuable à des polyamines sécrétées par la levure. On sait aussi que S. boulardii diminue la sécrétion hydrique et la perméabilité au mannitol induites par la toxine A de Clostridium difficile. D’autres données suggèrent une action sur les canaux Cl- au niveau des cellules villositaires. Il y aurait également une action sur la voie du monoxyde d’azote. On note encore un effet immunostimulant via la sécrétion d’IgA et une action anti-inflammatoire exercée grâce à la régulation de la production de cytokines. On connaît encore un phénomène de « capture » par adhésion des bactéries à la surface de la membrane cellulaire de la levure.
Last but not least
Plus récemment encore, Girard-Pipau et al. ont montré que la présence d’acétate, de butyrate et de propionate dans les selles de patients recevant la levure était augmentée. Or, on sait que ces acides gras à chaîne courte jouent un rôle dans la physiologie normale de l’intestin. Par ailleurs, sous l’influence de S. boulardii, certains anaérobies voyaient leur présence dans l’intestin diminuée, tandis que des bifidobactéries apparaissaient. Il y aurait peut-être là une explication supplémentaire au rôle bénéfique de Saccharomyces boulardii lyophilisé.
Dr. Jean Andris
Références : Bergogne-Bérézin E (sous la direction de). Impact intestinal de l’antibiothérapie. Phase 5
Editions Médicales, Paris,1999.
Bergogne-Bérézin E. Treatment and prevention of antibiotic associated diarrhea.
Int J Antimicrob Agents. 2000;16: 521-6.
Fournet J. Diarrhées chroniques. Corpus médical de la Faculté de Médecine de Grenoble (avril 2003)
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/corpus/disciplines/hepgastro/pathtdbas/303/lecon303.htm#
Site en français. Consulté en octobre 2004.
Gabaraon-Kerleguer A, Soler CP, Déséridi-Vaillant C et al. Diarrhées post-antibiothérapie. Médecine et maladies infectieuses 2003; 31 : 650-5.
Girad-Pipau F, Pompei A, Schneider S et al. Intestinal microflora, short chain and cellular fatty acids, influence of a probiotioc Saccharomyces boulardii. Microb Ecol in Health and Dis 2002; 14: 220-7.
Lembcke B, Kist M, Lentze MJ et al. Antibiotic-associated diarrhea: incidence, risk factors of antibiotics and patients, pathophysiology and differential diagnosis – an interdisciplinary approach to a common problem. Praxis 2003; 92:751-758.
Rambaud JC, Buts JP, Corthier G et al. (coordinateurs). Flore microbienne intestinale. John Libbey Eurotext, Paris, 2004.
Roy JP. Tout savoir sur les diarrhées http://www.pharmaciengiphar.com/article76.html
Site en français. Consulté en octobre 2004.
Vandenplas Y. Utilisation clinique des probiotiques. Mythe et réalité. Academisch Ziekenhuis Kinderen Vrije Universiteit Brussel, Bruxelles. |