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Limonades et satiété : question de sucre ?

Enrayer la prévalence de l'obésité infantile est un des grands défis de santé. Cela nécessite un travail de fond où l'éducation joue un rôle majeur. À l'heure où les « interdits » constituent dans certaines écoles la face visible d'une politique de prévention, certaines expériences plus douces semblent porter leurs fruits. C'est le cas des Villes Santé, lancées dans le Nord de la France en 1992, et qui font des émules.

Par Patrick Mullie

" HEALTH & FOOD " numéro 69, Janvier/Février 2005

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Le débat sur le sucre des limonades a été lancé par George Bray, un spécialiste réputé de l’obésité au pays de l’Oncle Sam. A la base, on retrouve essentiellement des motifs économiques. Il y a près de trente ans, les industriels américains cherchaient intensivement des alternatives meilleur marché au saccharose extrait de la betterave sucrière. Grâce à une enzyme, la glucose isomérase, ils ont pu transformer massivement l’amidon du maïs en sirops de fructose. La production de ces sirops était extraordinairement peu coûteuse, tant et si bien qu’ils ont progressivement remplacé le saccharose sur le marché américain du sucre. Selon Bray, l’augmentation de la consommation de fructose a de graves conséquences : elle serait, ni plus ni moins, à l’origine de l’épidémie d’obésité que nous connaissons actuellement !

Pourquoi le fructose ?

Le fructose a une saveur plus sucrée que le saccharose, dont il entre dans la composition chimique avec le glucose. Si la composition énergétique des limonades n’évolue pas avec l’addition de fructose, le goût sucré, lui est plus prononcé. L’absorption du fructose et du saccharose prend également des chemins forts différents : là où le fructose diffuse passivement à travers la paroi intestinale, le saccharose nécessite l’action d’une disaccharisade, qui ralentit légèrement son assimilation. De plus, la présence de fructose ne provoque pas de sécrétion d’insuline par les cellules bêta du pancréas, ce qui, toujours d’après George Bray, a deux répercussions essentielles : l’absence d’une augmentation de l’insuline dans le sang atténue la sécrétion corollaire de leptine et prolonge la prise alimentaire, ce qui accroît le risque de surconsommation. Cela signifie que les calories absorbées sous cette forme seront moins rassasiantes et pourront faire pencher la balance énergétique du mauvais côté.

Quelle quantité ?

Depuis l’introduction des sirops de fructose aux États-Unis dans les années septante, la consommation moyenne de fructose a augmenté de 30 % par habitant, alors que celle de saccharose a diminué de 50 % dans la même période. Pour Bray, il ne peut s’agir ici d’une coïncidence : l’incidence de l’obésité a évolué parallèlement à l’accroissement de la consommation de soft-drinks enrichis en fructose. Le fait que le fructose soit plus “doux” que le sucre aurait naturellement renforcé notre attrait pour la saveur sucrée et donc, probablement, la consommation de ce type de boisson.
Il est clair que la génération “lait et eau” a laissé aujourd’hui sa place à une génération soft-drinks parmi les adolescents. Les limonades et autres colas ou thés glacés font désormais partie des habitudes alimentaires. Comme quoi un glissement subtil d’un type de sucre à un autre peut avoir des conséquences métaboliques énormes qui nécessiteront à l’avenir des recherches scientifiques à large échelle. Faible consolation, bien belge celle-là : dans notre pays, la plupart des limonades sont toujours édulcorées avec le sucre de la bonne vieille betterave de nos campagnes…

Patrick Mullie
Diététicien

Référence :
Bray GA et al Am J Clin Nutr 2004;79:537-543.

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