Par Christelle Vandenhoeck et Nicolas Guggenbühl
" HEALTH & FOOD " numéro 77, Mai/Juin 2006
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De nombreux experts soulignent la place excessive occupée par les produits d'origine animale dans notre alimentation. Avec pour conséquence, une influence néfaste sur les apports en acides gras saturés et en cholestérol, déjà élevés. De plus, plusieurs études ont rapporté des associations néfastes entre régime riche en viande (surtout rouge) et en viandes transformées et certaines pathologies, même indépendamment de l’apport lipidique.
Avant d'envoyer la viande aux oubliettes, rappelons que le poisson et la volaille peuvent tout à fait remplacer la viande rouge si c'est elle qui est mal appréciée. Ils sont tout aussi riches en protéines et pauvres en graisses. De plus, on appréciera l’apport en oméga-3 venant du poisson. Rien n'empêche de faire l’impasse sur la chair animale une fois de temps en temps, et de la remplacer par ce qui est vaguement appelé "un substitut de viande". Cependant, il s’agit d’être attentif, car si les viandes présentent globalement des caractéristiques nutritionnelles homogènes (sauf pour la teneur en graisse), ce n’est pas le cas des alternatives végétariennes, qui constituent un groupe extrêmement hétérogène. Il y en a pour tous les goûts, et de toutes les compositions nutritionnelles ! Et pour le profane, arriver à faire la distinction entre les substituts de viande de qualité et ceux qui relèvent du "fast-food végétarien" est loin d’être aisé.
Troquer l’animal
Les personnes qui ne souhaitent pas manger de viande peuvent aussi se tourner vers d’autres sources de protéines animales, qui sont nutritionnellement équivalentes et de valeur biologique élevée. C’est le cas des produits laitiers, dont les fromages, et des œufs. Mais que l’on ne s’y méprenne pas, les produits laitiers ne peuvent pas remplacer entièrement la viande : ils sont certes une précieuse source de protéines et de vitamine B12 (une vitamine dont la carence guette les végétaliens), mais n’apportent pas le fer nécessaire. Quant à l’œuf, il est riche en fer, mais ne peut être consommé sans discernement, notamment en raison de sa richesse en cholestérol. Certains œufs dont la composition lipidique est améliorée (avec une proportion plus élevée d’acides gras oméga-3) présentent incontestablement un intérêt nutritionnel, mais ils n’en restent pas moins « œuf », et ne peuvent pas justifier une omelette au quotidien !
L’art de combiner
Si la qualité des protéines de la viande ne fait absolument aucun doute, les végétaux sont quant à eux les parents pauvres : même si leur teneur en protéines est très appréciable pour les céréales et les légumineuses, leur qualité nutritionnelle n’est pas à la hauteur de celle des protéines animales, car il leur manque, selon les espèces, un ou plusieurs acide aminé indispensable. Il s’agit de la lysine pour les céréales (blé, riz…), de la méthionine pour les légumineuses (soja, lentilles…), du tryptophane et de la lysine pour le maïs, de la méthionine et de la lysine pour les graines oléagineuses (sésame, tournesol, amandes, noix).
Les céréales et leurs dérivés (pain, farine, pâtes…), et les légumes secs (haricots blancs ou rouges, pois cassés, flageolets, pois chiches, lentilles…), s’ils sont consommés au cours du même repas, se complètent pour offrir une palette harmonieuse en acides aminés indispensables. Cette association peut parfaitement replacer la viande à l'un ou l'autre repas.
Valse végétale
Seïtan, boulgour, kamut, Quorn, quinoa, tempeh, miso… L'alimentation végétarienne propose différents produits aux consonances mystérieuses qui peuvent inspirer la méfiance, mais qui gagnent à être mieux connus.
Le seïtan, qui est utilisé comme substitut de viande, est obtenu à partir du blé. Il est riche en protéines, et contient du calcium, du fer et des vitamines du groupe B. Précisons que sa teneur en sodium est élevée, ce qui peut amener à l’écarter de certains régimes. Et contrairement à ce que l'on pourrait penser, malgré son caractère 100 % végétal, il n'est pas riche en fibres alimentaires…
Le Boulgour est plus une dénomination de mouture que de produit. Il s’obtient à partir de céréales, généralement le blé, qui sont concassées, précuites à la vapeur et séchées. Il se cuisine comme du couscous. Il est une bonne source de glucides complexes, et contient des fibres, du fer, du magnésium, du zinc, du potassium et de la vitamine PP en quantités d’autant plus appréciables qu’il est proposé en version « complète ».
Le kamut est l'ancien mot égyptien désignant le "blé". Comme le boulgour, il contient des glucides complexes, des fibres des protéines, mais également du calcium, du fer, et des vitamines du groupe B.
Le Quorn, réputé pour sa bonne teneur en protéines et en fibres alimentaires, est une mycoprotéine issue d'un Fusarium. Toutefois, ce produit n'est pas 100% végétal, puisqu'il y a adjonction de blanc d'œuf lors de sa technique de fabrication. Il remplace efficacement la viande.
La quinoa est une céréale intéressante (notamment pour sa teneur en protéines, en fer et magnésium), mais comme toute céréale, elle ne suffit pas à elle seule pour remplacer la viande.
Panoplie soja
Le soja fait partie de l'alimentation des Asiatiques depuis 5000 ans déjà, et il occupe une place importante dans l'alimentation végétarienne. Chez nous, il n’est pas consommé sous forme de fèves (attention, ne pas confondre le soja avec les « pousses » ou « jets » de soja), mais de produits obtenus à partir de celle-ci : le « lait » de soja ou « tonyu » généralement enrichi en calcium afin que sa composition soit la plus proche de celle du lait ; le "fromage" de soja ou tofu, produit à partir de lait de soja caillé ; le tempeh, obtenu à partir des fèves de soja fermentées et qui est riche en protéines. Citons encore le miso et le tamari, tous deux obtenus à partir du soja, et qui s’utilisent dans la cuisine végétarienne. Précisons que dans ce vaste domaine des produits de substitution, la palette des saveurs est très large et, dans tous les cas, très éloignée de celle de la viande.
Repères pour choisir
Afin de remplacer la viande, sans tomber dans le "tout végétal" ou dans une déviation vers les acides gras saturés par une trop grande consommation de produits laitiers et d'œufs, le recours aux produits de substitution végétarienne peut être intéressant. Toutefois, une observation minutieuse de l'étiquetage s'impose car il y a parfois un monde de différence entre deux produits. Pour que l'utilisation d'un tel produit soit intéressante d’un point de vue nutritionnel, il faut que le produit garantisse un bon apport en protéines et qu'il limite l'apport en graisses et en acides gras saturés. Pour tenter de séduire une clientèle de plus en plus large, les supermarchés proposent de nombreux produits pré-cuisinés qui sont certes végétaux, mais qui peuvent être très riches en lipides (au point de dépasser la valeur de bon nombre de morceaux de viande) et en acides gras saturés (par l’utilisation d’huile de palme), et parfois très salés.
Face à cette jungle des substituts de viande, deux critères de sélection peuvent être utiles pour effectuer un choix judicieux : premièrement, le produit doit apporter au moins 10 grammes de protéines par 100g de produit, et deuxièmement, chaque gramme de protéine peut être accompagné de maximum 1g de lipides (soit un rapport de 1gramme de protéines pour 1 gramme de lipides). À vos étiquettes !
Christelle Vandenhoeck et Nicolas Guggenbühl,
Diététicien nutritionniste |