Par Nicolas Guggenbühl
" HEALTH & FOOD " numéro 81, Janvier - Février 2007
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Baies rouges, thé, cacao, vin rouge... ont en commun la richesse en polyphénols de la famille des flavonoïdes. Régulièrement, la recherche repousse les limites de la connaissance dans ce domaine, tout en amenant de nouvelles questions, avec de bonnes ou de moins bonnes surprises. Le terrain de prédilection de la recherche sur ces composés est le domaine cardiovasculaire, et cela parce que bien des constats épidémiologiques ont épinglé une relation entre la présence de sources de polyphénols, en particulier de flavonoïdes, dans le régime et la santé cardiovasculaire des populations. Toutefois, ces données restent à prendre avec des pincettes, tant les données de composition des aliments en différents types de polyphénols sont encore à un stade précaire. C'est dans cette optique, par exemple, que des chercheurs finlandais ont procédé dernièrement à un screening des aliments de consommation courante dans leur pays, qui montre notamment la supériorité des baies, en particulier celles de couleur rouge ou bleue, comme source d'anthocyanes (1)
Le cacao dans la peau
Parmi les nouveaux axes de recherches en cours et à venir, il y a celui de la santé du cerveau (qui, comme le coeur, gagne à être bien irrigué), ou encore la toile complexe des défenses immunitaires. Ainsi, des expériences récentes effectuées auprès de volontaires sains suggèrent que les flavanols du cacao sont des stimulateurs potentiels de l'immunité innée et des premières étapes dans l'immunité acquise (2). Dans un autre domaine du cacao, une étude menée par des chercheurs de Düsseldorf (Allemagne) rapportait, il y a quelques mois, que l'ingestion d'une boisson cacaotée riche en flavanols augmentait la résistance de la peau à l'exposition aux rayons ultra-violets (3). La même équipe a remis le couvert récemment, montrant que l'ingestion d'une boisson riche en flavanols améliorait la microcirculation : elle provoquait, après une heure, une augmentation du flux sanguin dans le derme de 70 %, et de la saturation en oxygène de 80 % (4).line plus faible et une sensibilité à l'insuline plus élevée qu'au début de l'étude, tandis que pour ceux qui avaient reçu le chocolat blanc, ces variables ne changeaient pas.
Thé vert contre syndrome métabolique
Un autre champ d'investigations récent concerne l'insuline et le syndrome métabolique. Des chercheurs de l'Université de Bari, en Italie, ont étudié un des composants bioactifs du thé vert, à savoir l'épigallocatéchine gallate (EGCG) administré chez le rat SHR. Ce rat est utilisé comme modèle pour le syndrome métabolique, il présente de l'hypertension, une résistance à l'insuline et un excès de poids (5). Leurs travaux indiquent que l'administration d'EGCG améliore la sensibilité à l'insuline et augmente les taux plasmatiques d'adiponectine, une hormone sécrétée par les adipocytes et qui est connue pour potentialiser les effets de l'insuline. Des données certes cantonnées aux animaux de laboratoire, mais qui pourraient bien conduire à vérifier l'intérêt des polyphénols du thé (et d'autres sources) dans l'alimentation humaine pour améliorer le métabolisme de l'insuline.
Tempête contre un nuage de lait
Les polyphénols recèlent encore bien des mystères, notamment pour ce qui concerne leur biodisponibilité. Et certaines surprises précèdent même leur ingestion, puisqu'elle touche parfois au mode de préparation. Ainsi, si le fait d'ajouter un nuage de lait ne semble pas modifier de manière importante la capacité antioxydants du thé, il semble en aller tout autrement avec la capacité du breuvage à améliorer la vasodilatation dépendant de l'endothélium. C'est ce qui ressort d'une étude dans laquelle 16 femmes ménopausées ont bu soit un demi-litre de thé, soit un demi-litre de thé au lait (avec 10 % de lait écrémé), soit de l'eau (contrôle). L'expérience confirme des observations précédentes, à savoir que le thé (il s'agissait ici de thé noir) favorise la relaxation des vaisseaux. Par contre, le fait d'ajouter le lait dans le breuvage gomme complètement tout effet sur la fonction endothéliale (6). Dans des investigations complémentaires, les chercheurs ont testé séparément différentes protéines du lait, et ils ont montré que ce sont 3 caséines qui sont responsables de l'inhibition de l'effet vasorelaxant du thé, probablement en formant des complexes avec les catéchines.
Question de coutume
Les auteurs suggèrent que cette découverte pourrait expliquer pourquoi, dans certains pays comme le Royaume-Unis, où le thé est souvent consommé avec un nuage de lait, l'effet « cardioprotecteur » de cette boisson n'apparaît pas clairement dans les études. Ou encore pourquoi l'on attribue au thé vert un effet cardioportecteur plus important, ce qui ne serait pas forcément lié au thé en lui-même, mais pourrait résider dans le fait que c'est le thé noir qui est associé au lait, alors que le thé vert ne l'est pas. Quoi qu'il en soit, il reste encore beaucoup à découvrir sur les interactions - dont certaines pourraient être bénéfiques - entre les composés phénoliques et d'autres constituants du bol alimentaire.
La cranberry, une source méconnue d'antioxydants
La cranberry (Vaccinium macrocarpon), à ne pas confondre avec ses cousines l'airelle (Vaccinium vitis idaea) ou la canneberge (Vaccinium oxycoccus), est une petit baie rouge qui nous vient des tourbières de l'est de l'Amérique du Nord et du Canada. Elle est, pour l'instant tout au moins, peu consommée comme telle chez nous, mais se trouve surtout incorporée dans des boissons. Cette baie fait l'objet de recherches depuis plusieurs années, qui ont pu montrer sa capacité à réduire le risque de rechute dans les cystites récidivantes. Cette propriété à pu être attribué à un effet anti-adhésion de certains de ses polyphénols, les proanthocyanidines (surtout de type A). En d'autres termes, ces flavonoïdes peuvent diminuer la fixation de certaines bactéries sur les parois des voies urinaires, effet qui est notamment reconnu par l'Agence française pour la sécurité sanitaire des aliments (AFSSA, 2004). Mais la cranberry est également un des aliments les plus riches en antioxydants : un inventaire effectué en 2004 aux Etats-Unis avec une mise à jour de la méthode de dosage ORAC (Wu et al, Cf. Health and Food n° 66, 2004) la classait en tête des fruits (activité ORAC exprimée par gramme d'aliment) et dans le top 6 des sources d'antioxydants exprimées par portion (juste après certains légumes secs et les myrtilles). Les données ne permettent cependant pas encore de savoir si cette activité antioxydante hors pair se retrouve aussi dans le plasma après avoir ingéré la baie. Affaire à suivre...
Nicolas Guggenbühl; Diététicien Nutritionniste
Références:
(1) Koponen JM et al. J Agric Food Chem 2007 Jan 30 [Epub ahead of print]
(2) Kenny TP et al. Exp Biol Med (Maywood) 2007;232(2):293-300.
(3) Heinrich U et al. J Nutr 2006;136(6):1565-9.
(4) Neukam K et al. Eur J Nutr 2007;46(1):53-6.
(5) Potenza MA et al. Am J Physiol Endocrinol Metabol 2007 Jan 16 [Epub ahead of print]
(6) Lorenz M et al. European Heart Journaldoi:10.1093/eurheartj/ehl442
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