Par le Dr. Jean Andris
" HEALTH & FOOD " numéro 82, Mars - Avril 2007
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Le tissu adipeux existe chez tout le monde. La seule chose qui varie d'une personne à l'autre, c'est sa quantité. C'est un tissu spécialisé où prédominent les cellules adipeuses, rassemblées en lobules. Entre ces cellules, on trouve des fibres et un peu de liquide intercellulaire. Ces cellules, les adipocytes, sont spécialisées dans l'élaboration, le stockage et la libération des triglycérides. On trouve du tissu adipeux sous la peau, où il forme une couche continue (graisse sous-cutanée).
Il y en a également dans la cavité abdominale et autour des intestins, dans le péritoine, cette membrane qui enveloppe tous les organes abdominaux, ainsi que derrière cette membrane et même dans la moelle osseuse. Il y en a encore dans le thorax, en particulier autour du coeur, surtout chez les personnes présentant un excès de poids. Par opposition à la graisse sous-cutanée, celle du thorax et de l'abdomen est appelée graisse profonde.
Toute une lignée
Les cellules adipeuses ou adipocytes se développent à partir d'une lignée de cellules jeunes non encore spécialisées. Ces cellules jeunes se trouvent groupées autour d'un capillaire sanguin. Leur évolution en adipocyte se fait par remplissage progressifs avec de la graisse. Il s'agit tout d'abord de très fines granulations graisseuses qui deviennent progressivement plus nombreuses et plus volumineuses. Elles fusionnent en petites gouttelettes de graisse disposées autour du noyau rond et central et donnent à la cellule l'aspect d'une mûre. L'accroissement du nombre de gouttelettes provoque une importante augmentation du volume cellulaire. Au terme de l'évolution, les gouttelettes lipidiques s'assemblent en une seule grosse goutte centrale, qui occupe la majeure partie du volume de la cellule. A ce stade, le noyau de la cellule est littéralement écrasé à la périphérie, contre la membrane cellulaire.
Un groupe d'adipocytes, les vaisseaux qui les nourrissent et leurs ramifications, constituent un lobule graisseux. Le réseau capillaire y est très développé. Il forme un véritable filet dont chaque maille est occupée par une cellule adipeuse. Le lobule est entouré par des travées fibreuses.
Le tissu adipeux peut s'accroître de deux manières. D'une part, on peut assister à la transformation d'un nombre de plus en plus important de cellules jeunes qui deviennent des adipocytes. Le phénomène général de multiplication des cellules d'un type donné s'appelle hyperplasie. D'autre part, les adipocytes déjà existants peuvent grossir en accroissant le volume des graisses qu'ils contiennent. C'est ce qu'on appelle l'hypertrophie. Il est très important, pour bien comprendre l'obésité et la cellulite, de savoir qu'en cas d'hypertrophie, un adipocyte peut multiplier par 10 son contenu en graisse.
Il existe deux types de graisse. La graisse blanche, encore appelée graisse jaune parce que les carotènes qu'elle contient lui donnent cette coloration, est le plus abondante de l'organisme. C'est celle-là qui va nous occuper à propos de l'obésité et de la cellulite. La graisse brune est nettement plus rare chez l'homme mais plus abondante chez certains mammifères. Elle a un aspect brunâtre, comme le dit son nom. Elle est impliquée dans la régulation de la température corporelle. Les mammifères qui hibernent en possèdent des quantités importantes avant l'hiver. A la fin de l'hibernation, elle a largement disparu. Dans l'espèce humaine, chez le bébé, il en existe le long de la colonne vertébrale et dans les joues. Chez l'adulte, il n'en persiste plus qu'une petite boule dans les joues.
Egaux mais différents
Même dans la graisse jaune, les adipocytes ne sont pas les mêmes partout. Ceux qui sont autour des organes abdominaux sont plus petits et plus nombreux que ceux qui sont sous la peau. Chez l'homme, ceux de la région de l'épaule sont plus gros que ceux de la région fessière. Chez la femme, par contre, ce sont ceux de la région fessière qui sont les plus gros.
La graisse blanche constitue environ 15 à 20% du poids corporel de l'adulte masculin et 20 à 25% de celui de l'adulte de sexe féminin. Son rôle principal, comme nous l'avons déjà dit, est la captation, la production, le stockage et le relargage de graisses de manière à fournir à l'organisme les calories dont il a besoin pour son fonctionnement. La graisse sous-cutanée exerce encore deux autres fonctions: elle constitue un isolant thermique et forme aussi un isolant mécanique en jouant le rôle de coussins. Chacun sait qu'une chute sur les parties bien rembourrées par la graisse fait moins mal qu'un coup reçu directement sur les os, comme par exemple sur le tibia.
La femme a tendance à accumuler plus de graisse en région sous-cutanée tandis que l'homme la localise plutôt en région profonde. Les jeunes femmes stockent plus de graisse dans la région des fesses et des hanches, surtout par augmentation du volume cellulaire. C'est cette graisse fémorale que l'on appelle volontiers, mais à tort, cellulite. On peut la rencontrer aussi bien chez des personnes qui n'ont pas d'excès de poids que chez celles qui pèsent trop. Quoi qu'il en soit, les femmes ont plus de cellules adipeuses en région sous-cutanée, alors que les hommes en ont plus en région intra-abdominale. Pour rappel, si le rapport taille/hanche est inférieur à 90%, l'obésité est dite fémorale ou gynoïde. C'est encore cela qu'on appelle la "culotte de cheval". Mais l'obésité androïde n'est pas strictement réservée aux hommes et l'obésité gynoïde n'est pas une caractéristique exclusive des femmes.
Des hormones influentes
Lorsque la capacité d'expansion des adipocytes atteint son maximum, l'organisme favorise la transformation de nouveaux adipocytes à partir des cellules jeunes non spécialisées. Cette spécialisation est influencée par les hormones sexuelles, tant féminines que masculines. Les premières stimuleraient le phénomène alors que les dernières l'inhiberaient. Il y aurait donc une plus forte tendance à l'obésité chez les femmes que chez les hommes.
Le rôle probable des hormones sexuelles peut être supposé à partir de nombreuses constatations. Chez la femme, une obésité androïde est en rapport avec une moindre production d'oestrogènes et un taux plus élevé d'androgènes que l'obésité gynoïde. Chez la femme non-obèse, dont les ovaires et les glandes surrénales fonctionnent normalement, on note une activité de captation des graisses du sang par le tissu adipeux. Cette activité ne varie pas avec le cycle menstruel, mais elle est accrue pendant les premiers stades de la grossesse et disparaît au cours de l'allaitement. Elle disparaît aussi avec la ménopause mais peut réapparaître en cas de traitement substitutif de celle-ci. Mais il ne faut pas dramatiser: une obésité est loin de survenir chez toutes les femmes qui prennent la pilule ou qui reçoivent l'hormonothérapie substitutive de la ménopause. Celles qui doivent être prudentes dans ces situations sont celles qui ont déjà de la « cellulite » ou qui ont une tendance à la développer facilement. Il y a également de grandes différences individuelles. Par exemple, les personnes fortement obèses possèdent des cellules capables de se transformer plus rapidement en adipocytes que celles des autres sujets. Il y a vraisemblablement là une différence génétique. C'est ce qui explique que les uns prennent facilement du poids et les autres pas. Des parents obèses ont plus de risques d'avoir des enfants obèses. Mais il est parfois difficile de faire la différence entre ce qui est génétique et ce qui est lié aux habitudes de vie familiale, partagées par tous les membres de la famille. De plus, non seulement la quantité mais aussi la répartition des dépôts graisseux est influencée par la génétique.
L'âge et le comportement
L'âge est un autre facteur de variation. Avec l'âge, le nombre de cellules capables de se différencier en adipocytes diminue. Il est bien connu que la plupart des personnes âgées sont plus maigres que lorsqu'elles étaient d'âge moyen.
Enfin, des facteurs comportementaux tels que le tabagisme ou la consommation d'alcool sont également déterminants. Les fumeurs de sexe masculin ont un tour de taille augmenté et des hanches normales par rapport aux non-fumeurs de même indice de poids corporel. Cela correspond à un accroissement plus important de la graisse intra-abdominale par rapport à la graisse sous-cutanée. On comprend mal ce phénomène. Les fumeurs qui cessent de fumer craignent de prendre des kilos, mais c'est en grande partie une idée fausse. Il est démontré qu'en moyenne, les ex-fumeurs prennent deux kilos après leur sevrage. Si certains prennent plus de poids, c'est surtout parce qu'ils ont tendance à manger plus ou à grignoter après avoir arrêté de fumer.
Quant à l'alcool, il induit une relative propension à accumuler la graisse en région abdominale. On oublie trop souvent qu'il fournit un apport calorique non négligeable, donc qu'il favorise l'hyperplasie ou l'hypertrophie des adipocytes.
Docteur Jean Andris
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