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Allergies alimentaires du nourrisson: diagnostiquer, c’est la clef!

La prévalence de l’allergie alimentaire chez l’enfant est actuellement de 4 à 6 %. Les aliments le plus souvent incriminés dans les allergies infantiles sont le lait de vache, l’œuf, l’arachide, le poisson, les crustacés, les fruits à coque, le blé et le soja. Il convient de détecter les nourrissons à risque le plus tôt possible, afin de pouvoir faire les meilleurs choix, qu’il s’agisse de la prévention des allergies ou de leur traitement.

Les allergies alimentaires sont deux à trois fois plus fréquentes chez l’enfant comparé aux adultes. En établissant un diagnostic précoce, il est alors possible d’apporter à l’enfant le traitement qui lui est le plus adapté afin de soulager ses symptômes et lui permettre de développer, après une durée de un à six ans, une tolérance face à l’allergène incriminé.

Importance du diagnostic

Le diagnostic d’une allergie alimentaire chez l’enfant repose sur une anamnèse complète, ainsi que sur la disparition des signes et symptômes lors de l’évicton de l’aliment incriminé, suivie d’une réaction renouvelable et non équivoque lorsque celui-ci est réintroduit.

Idéalement, on fera un test de provocation avec placebo et à double insu (aussi appelé « challenge DBPC »), surtout dans les cas douteux ou chez un enfant plus âgé dont on connaît mal les antécédents médicaux. Quand on ne sait pas si un patient souffre ou non d’allergie alimentaire, on peut le soumettre à un régime oligo-antigénique (diète élémentaire dans le cas d’un nourrisson) durant quelque temps.

Aucune épreuve en laboratoire ne peut remplacer à elle seule un diagnostic clinique d’allergie alimentaire, reposant sur l’éviction et les tests de provocation. La pratique d’un prick test (test par piqûre) peut également s’avérer pertinente. Elle doit avoir recours à des antigènes alimentaires normalisés et précis, ce qui réduit l’émergence d’irritations non spécifiques et de réactions immédiates graves, dont le choc anaphylactique. Il faut cependant noter que ce test donne souvent des faux positifs et qu’il n’est pas toujours fiable lorsqu’il s’agit de jeunes enfants.

La présence dans le sérum d’IgE spécifiques peut également s’avérer utile. La valeur diagnostique des IgE devant le lait de vache, les oeufs, les arachides, le soja et le poisson est bien connue. Cependant, ces analyses sanguines ne permettent pas de dépister systématiquement des allergies touchant le tractus digestif, la peau ou encore les poumons.

Enfin, dans le cas d’allergies alimentaires touchant l’appareil digestif, la biopsie intestinale peut contribuer au diagnostic. Ces examens ne se justifient chez le nourrisson que s’il est soupçonné de souffrir d’une allergie alimentaire accompagnée de diarrhée chronique et d’un retard de croissance ou chez l’enfant souffrant de diarrhée sanglante et affichant des antécédents familiaux de maladie atopique.

Privilégier l’allaitement si possible

Les bénéfices de l’allaitement dans la prévention de certaines pathologies telles que l’eczéma atopique ne sont plus à démontrer. Ses avantages sur les signes respiratoires sont en revanche moins tranchés.

Voilà pourquoi les conseils pour l’allaitement doivent toujours être modulés en fonction de la pathologie qu’on cherche à prévenir (eczéma atopique ou asthme), du statut de la mère (asthmatique ou non), de la durée de l’allaitement et de l’effet recherché (à court ou long terme). Il devra toujours être maintenu lorsque c’est possible.

Toutes les protéines alimentaires peuvent en effet se retrouver dans le lait maternel. Si la preuve est faite qu’une allergie est médiée par le lait maternel, il faut dans un premier temps modifier le régime de la mère ou proposer au nourrisson un lait dit « de remplacement ».

Dans les autres situations, il n’est pas nécessaire de suivre un régime d’éviction pendant la période d’allaitement. Il se pourrait même que les protéines alimentaires retrouvées dans le lait maternel participent à l’induction de la tolérance à ces dites protéines chez le nourrisson.

Solutions alternatives

Si l’allaitement maternel ne peut être maintenu, il existe alors plusieurs alternatives en fonction de la situation. Les « laits » pouvant être utilisées ont le plus souvent une origine bovine, leur composition ayant été adaptée afin de se rapprocher au mieux du lait maternel et d’optimiser la croissance du nourrisson. Dans le cas de la prévention des allergies alimentaires, il existe des laits «hypoallergéniques » dont la phase protéique a subit une hydrolyse partielle. Ces laits sont pauvres en lactose et peuvent contenir des prébiotiques. Ils sont utilisés en prévention primaire, si l’enfant présente un terrain atopique.

Si une allergie est diagnostiquée chez l’enfant, le traitement repose alors sur l’éviction pure et simple de l’allergène incriminé. Dans le cas d’une allergie aux protéines de lait de vache, il ne faut en aucun cas donner du lait de soja en remplacement car près de 30 à 40% des enfants allergiques aux protéines de lait de vache le sont également aux protéines de soja.

S’il n’y a pas de manifestations digestives chez l’enfant, l’utilisation d’un hydrolysat poussé contenant encore du lactose et des acides gras à longue chaîne est préconisé. En revanche, en cas d’allergie alimentaire avec signes digestifs, maldigestion et/ou malabsorption, il convient de recourir à une diète semi-élémentaire contenant des hydrolysats poussés de protéines, des triglycérides à chaîne longue (LCT) et/ou moyenne (MCT) et exempts de lactose. Cette composition particulière à pour but de faciliter l’absorption intestinale chez le nourrisson.

Pour les cas extrêmes

Il existe certaines situations où les hydrolysats poussés s’avèrent inefficaces. Pour citer un exemple, il faut savoir que près de 10% des enfants allergiques aux protéines du lait de vache ne tolère pas les préparations à base d'hydrolysats de protéines. De même, dans les cas d’allergies multiples, de certaines affections graves du tractus digestif, l’utilisation d’hydrolysats poussés n’est pas justifiée.

La seule alternative pour ces situations est donc l'utilisation d'une diète élémentaire à base d'acides aminés libres, de MCT et ne contenant pas de lactose. La disponibilité de cette formule doit permettre une épreuve d'éviction-provocation de l'hydrolysat de protéines qui fera le diagnostic. La précocité du diagnostic est primordiale pour pouvoir mettre en œuvre des mesures de prévention des autres allergies alimentaires. Une formule élémentaire peut alors permettre d'attendre la période d'acquisition de la tolérance.

Alexandre Dereinne, diététicien

Références:

Bidat E.. Food allergy in children. Archives de Pédiatrie 2006;13: 1349–53.
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Article en français et anglais, consulté en février 2010.

Chandra R. Food hypersensitivity and allergic disease : a selective review. Am J Clin Nutr 1997; 66: 526S-9S.
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Article en anglais, consulté en février 2010.

Chouraqui J-P, Dupont C, Bocquet A et al. Feeding during the first months of life and prevention of allergy. Archives de Pédiatrie 2008; 15: 431-42.
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Article en français et anglais consulté en février 2010.


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