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Le poids des articulations
On n’a pas tout dit sur le lien entre obésité et arthrose. Mais ce qu’on sait déjà peut servir de base à une prise en charge non pharmacologique, faisant notamment appel à la nutrition et à l’exercice.
Personne ne s’étonne que les personnes obèses souffrent plus souvent d’arthrose que les personnes maigres. La relation n’est pas mathématique mais on perçoit intuitivement que les contraintes mécaniques soient à l’origine du mal: le poids du corps, que doivent subir les articulations portantes, est d’autant plus élevé que la personne est elle-même lourde. Il est donc logique de penser à une usure du cartilage de type mécanique. On note en effet une relation bien identifiable entre le poids corporel et la prévalence de l’arthrose du genou et de la hanche. En France, par exemple, l’épidémiologie a révélé que la dispersion géographique de l’arthrose de la hanche et du genou reflète celle de l’obésité. Certains spécialistes vont même jusqu’à se demander si l’excès de poids n’est pas le facteur de risque d’arthrose le plus marqué, même plus que l’hérédité.
Les autres voies
Les autres voies
Mais il y a d’autres mécanismes physiopathologiques que les seules contraintes mécaniques dues au poids corporel car on ne peut pas expliquer comment le poids du corps pourrait exercer un effet néfaste sur les articulations non portantes. Or, l’arthrose est plus fréquente au niveau des petites articulations chez les obèses que chez les personnes au poids normal ou chez les maigres. Plusieurs hypothèses ont été émises à ce propos. L’une d’entre elles fait appel aux nombreuses adipokines sécrétées par le tissu adipeux, rappelant que certaines d’entre elles exercent un rôle pro-inflammatoire. Il n’en faut pas plus pour penser qu’elles peuvent s’attaquer au cartilage car si on a longtemps considéré que cette affection était purement mécanique, on s’accorde aujourd’hui à lui reconnaître une composante inflammatoire, au moins dans ses stades avancés. Une autre hypothèse fait appel, quant à elle, aux apports en graisses en tant que tels. Pour tester cette deuxième hypothèse, Griffin et al. (USA) ont nourri pendant 12 semaines avec une alimentation très riche en graisses (60% de l’apport énergétique) des souris âgées de 12 semaines. Un groupe contrôle d’animaux du même âge recevait pendant le même temps une alimentation ne comprenant que 13,5% de l’apport énergétique total sous forme de graisses. Il s’est avéré que les souris «grasses» accusaient un score d’arthrose accru par rapport aux contrôles. Et leur pourcentage de graisse corporelle était triple de celui des contrôles. Mais il y avait plus encore: chez les animaux engraissés, les taux de leptine, d’adiponectine, de KC (analogue murin de notre IL-8) et d’autres médiateurs impliqués dans l’inflammation avaient notablement grimpé. Voilà qui rend compatibles entre elles l’hypothèse des médiateurs de l’inflammation et celle des apports en graisse.
Perdre, perdre
L’importance d’une perte de poids est donc majeure également pour les petites et grosses articulations des personnes obèses. Le conseil diététique donné à ces patients doit avoir pour objectif, comme toujours quand on souhaite faire maigrir une personne, de modifier leurs habitudes alimentaires. La quantité d’énergie absorbée quotidiennement doit diminuer sans que l’équilibre alimentaire ne soit perturbé. Il ne faut pas oublier que ce serait énoncer une banalité si la composante arthrosique ne venait pas ajouter quelques caractéristiques à la démarche. Ainsi, des études ont montré que la perte de 10% du poids, présentée comme un objectif parfaitement acceptable sinon même louable, s’accompagne d’un mieux être tout-à-fait appréciable au niveau articulaire, si l’on en croit les déclarations des patients eux-mêmes. Et ce mieux-être, qui témoigne sans doute d’une bonne adhésion aux conseils alimentaires, peut lui-même constituer un argument solide pour renforcer la compliance du patient.
Et courir?
Par ailleurs, on peut penser que l’exercice apporte lui aussi une aide au patient dans sa démarche. et on peut logiquement se dire que puisqu’une personne en surpoids a besoin de plus d’énergie qu’une autre pour se mobiliser, des apports caloriques considérés comme normaux pour une personne de poids normal pourraient déjà contribuer, si modestement que ce soit, à la perte pondérale. N’oublions pas qu’à côté de cela, il aide au maintien d’une mobilité menacée par le processus morbide. Dès lors, si l’exercice s’ajoute à la prise en charge nutritionnelle, ce devrait être tout bénéfice. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi? Dans la réalité, la réponse à la question n’est pas aussi évidente parce qu’on a appris que la charge mécanique sur les hanches et les genoux augmente de manière proche de l’exponentielle avec le poids de la personne. Il existe donc un degré de charge (donc de poids corporel) à partir duquel on impose à ces articulations des contraintes qui risquent de devenir destructrices par elles-mêmes. Reste néanmoins que l’exercice en décharge (vélo ou natation par exemple) est toujours possible et engendre moins de contraintes de ce type. Dans l’expérience sur les souris que nous avons rapportée plus haut, les souris disposaient, pendant les quatre dernières semaines de leurs régimes respectifs, d’une roue pour s’exercer à courir, comme le font si ardemment les hamsters de nos enfants. Et l’exercice physique a amélioré la tolérance au glucose et freiné l’expression des cytokines pro-inflammatoires. Cela suggère que l’exercice pourrait aussi agir d’une manière indépendante de la perte de poids.
Dr Jean Andris
Références:
Biddal H. Importance of weight management in osteoarthritis ans their impact on musculoskeletal structures. Annual European Congress of Rheumatology (Copenhague, 10-13 june 2009). Annals of rheumatic diseases 2009; 68(Suppl 3): 9 (abstract SP0025). Griffin TM, Huebner JL, Kraus VB et al. Induction of osteoarthritis and metabolic inflammation by a very high fat diet in mice: Effects of short-term exercise. Arthritis Rheum. 2011 Sep 27. doi: 10.1002/art.33332. [Epub ahead of print] Guillemin F, Rat AC, Mazieres B. Prevalence of symptomatic hip and knee osteoarthritis: a two-phase population-based survey. Osteoarthritis Cartilage. 2011 Aug 16. [Epub ahead of print]
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