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Des OGM & des hommes

La controverse a fait rage il y a à peine quelques semaines autour d’une étude de toxicologie publiée par le biologiste Gilles-Eric Séralini. Pro- et contra OGM se sont envoyé à la tête des noms d’oiseaux. Que penser de tout cela?

Un professeur de biologie qui a pignon sur rue au CNRS français et dans diverses instances et comités d’experts internationaux, le Pr Eric Séralini, vient de lâcher une bombe contre les OGM en publiant une étude selon laquelle un maïs génétiquement modifié de Monsanto et l’insecticide auquel il résiste sont cancérigènes. Un des arguments principaux de cette étude est sa durée. Elle s’est poursuivie, disent ses auteurs, tout au long de la durée de vie moyenne des rats. Les études effectuées jusqu’à présent, notamment par les experts de Monsanto, n’auraient pas duré assez longemps.

Des lacunes?

On a reproché à l’étude du Pr Seralini de présenter des lacunes. Toute étude comprend des lacunes et c’est là, selon nous, un faux débat. La vraie question est d’identifier correctement ces «lacunes» (nous dirions plutôt des limitations») et de s’efforcer d’en comprendre la signification. Par exemple, on peut se demander quelle est la valeur d’une extrapolation à l’homme de résultats obtenus chez un rongeur. Il est vrai que beaucoup d’études se font sur ces animaux mais on n’a probablement pas assez réfléchi à cette question. On sait par exemple que les études de tératologie (provocation de malformations fœtales) ne sont pas transposables d’une espèce animale à un autre.

Autre reproche, le nombre d’animaux dans chaque groupe a été considéré comme trop faible pour dégager une signification statistique. C’est probable et dans ce cas, on doit considérer qu’il a attiré l’attention sur un problème possible et qu’il faut refaire les études à différentes reprises, avec de plus grands nombres d’animaux et plusieurs espèces différentes. Il serait intéressant aussi de tenter de découvrir les mécanismes moléculaires par lesquels le maïs en question agit et surtout, savoir si c’est le maïs lui-même, l’herbicide ou les deux, qui sont en cause. Quant aux sources de financement des études et à l’honnêteté intellectuelle des chercheurs, c’est également selon nous un faux problème. Il est vrai qu’on voit de plus en plus de cas de fraude détectés dans les publications scientifiques. Mais il est difficile de soupçonner a priori quelqu’un de fraude. Le système du peer review (jugement par les pairs) est le moins mauvais système de fonctionnement que la science ait trouvé jusqu’à présent. Laissons donc les scientifiques débattre entre eux sereinement. Il faut du temps pour qu’une notion soit considérée comme fondée et admise ou rejetée de manière suffisamment étayée. Et ce ne sera bien souvent que provisoire, avec le progrès des connaissances.

Précaution

Il serait donc sans doute sage de limiter, voire de suspendre l’usage de ces OGM tant qu’on n’en sait pas plus. Mais il ne faut pas non plus jeter le bébé avec l’eau du bain. La preuve n’est pas encore faite que tous les OGM sont dangereux. Il faudrait surtout lancer rapidement d’autres études afin d’en savoir plus. Et pourquoi pas, d’en mettre sur pied des programmes dans lesquelles scientifiques pro et contra collaborent.

Dr Jean Andris

Référence:

Séralini GE, Clair E, Mesnage R. Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize. Food Chem Toxicol. 2012 Sep 11. pii: S0278-6915(12)00563-7. doi: 10.1016/j.fct.2012.08.005. [Epub ahead of print]


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