Par Virginie Wilpart
" HEALTH & FOOD " numéro 45,
Février-Mars 2001
|
Ces dernières années, des progrès considérables ont été réalisés dans notre connaissance de l’étiologie, du diagnostic et du traitement de l’ostéoporose, mais ils n’ont pas toujours été pleinement exploités par les systèmes de soins de santé et il reste beaucoup à apprendre. Malgré une meilleure prise de conscience de l’énorme impact médical, social et financier des fractures ostéoporotiques, les gouvernements et prestataires de soins de santé, n’accordent pas encore à cette maladie la priorité nécessaire. Il en résulte que la mise en œuvre des équipements diagnostiques est inadéquate dans de nombreux pays et que les personnes souffrant d’ostéoporose ne bénéficient pas de soins optimaux. La réduction de la masse des os et la dégradation de l’architecture osseuse qui caractérisent l’ostéoporose touchent plus de 500 000 Belges, dont près de 90% sont des femmes comme chacun sait.
La masse osseuse évolue en fonction de l’âge…
C’est vers 20 ans que l’individu atteint sa masse osseuse maximale. Celle-ci se consolide ensuite pendant plusieurs années. Vient alors une période où la destruction des tissus osseux prend le dessus sur leur reconstruction. L’âge auquel débute la perte osseuse n’est pas connu de manière certaine ; on pense qu’il doit se situer vers 40 ans. Les facteurs responsables de la perte osseuse sont encore imparfaitement compris. La réduction de l’activité physique (1,2,3), l’état nutritionnel notamment la carence en vitamine D (4), la chute de production des hormones sexuelles (1) jouent un rôle déterminant. Chez la femme, en période de ménopause, la carence en oestrogènes aggrave la perte osseuse quotidienne. Si avant la ménopause, la diminution de la masse osseuse est linéaire et relativement modérée, durant la ménopause, elle s’accélère sensiblement . Un traitement substitutif hormonal permet de s’opposer à l’ostéoporose (5).
Il n’ y a pas que le calcium
Diverses interventions nutritionnelles permettent de réduire le risque fracturaire, soit grâce à une augmentation du pic de masse osseuse, soit grâce à une diminution de la perte osseuse liée à l’âge. Un apport suffisant de calcium permet de ralentir le processus de déminéralisation (1,6). Il faut au moins 1200 mg de calcium par jour, soit un produit laitier à chaque repas (lait, yaourts, fromages) sans oublier qu’on peut aussi recourir aux eaux minérales riches en calcium (au moins 150 mg de calcium par litre). Un régime alimentaire riche en sels minéraux (calcium bien sûr mais aussi phosphore, magnésium, fluor), en vitamines (D , K, C) et en protéines (7) diminuerait de manière significative le risque d’ostéoporose. Le phosphore pose des problèmes particuliers, d’une part parce que le rapport phosphore – calcium doit être égal ou supérieur à 1 et d’autre part parce qu’un excès peut avoir un effet défavorable sur la densité minérale osseuse (8). Le lait et les produits laitiers fermentés constituent les principales sources alimentaires de phosphate et répondent aux exigences du rapport calcium- phosphore recommandé. Il convient cependant de souligner l’utilisation croissante de phosphates dans les additifs alimentaires, ce qui pourrait être un jour à l’origine d’une élévation brutale de l’apport alimentaire en phosphate qui exercerait un effet inhibiteur sur la formation de l’os (9). La carence en magnésium susceptible de favoriser une ostéoporose est rare. Comme le métabolisme du calcium interfère avec celui du magnésium, de nouvelles études s’avèrent indispensables pour préciser le lien existant entre l’apport alimentaire en magnésium et la qualité du tissu squelettique (9). On sait que le fluor contribue au renforcement de la solidité osseuse mais un excès de supplémentation peut conduire à une désorganisation de la structure microscopique de l’os avec augmentation du risque de fracture (9). Le contenu en vitamine D de l’alimentation exerce une influence prépondérante (4) , ce micronutriment ayant un rôle très actif dans la formation de l’os en raison notamment de sa capacité à réduire la perte urinaire du calcium et à stimuler son transport actif au niveau de l’intestin. Rappelons aussi que l’activité physique régulière est également très importante pour la solidité osseuse. Enfin, l’ensoleillement contribue aussi à sa sauvegarde car il permet à l’organisme de fabriquer de la vitamine D (9). Le rôle de la vitamine C dans la synthèse du collagène, protéine de la structure de l’os, est bien connu. On peut dès lors craindre, d’un point de vue théorique, qu’une carence en cette vitamine ne freine le dépôt normal de tissu osseux. Aucune étude épidémiologique ne vient cependant étayer cette hypothèse (9). Et enfin, la vitamine K, indispensable à la synthèse d’une autre protéine majeure de la structure de l’os, l’ostéocalcine, serait associée à une incidence accrue de fractures chez le sujet âgé (10). Néanmoins, les conséquences d’une carence sur la solidité osseuse restent controversées (9).
Les moyens existent…
Si la déperdition osseuse est trop avancée, la quantité de tissu osseux descend sous le seuil fracturaire. Tôt ou tard, des fractures peuvent survenir et un traitement curatif par médicament est nécessaire pour augmenter la masse osseuse, en limiter la perte ou soulager la douleur. Les moyens existent. Pour rappel, le fluor, la calcitonine, les anabolisants sous forme d’injection, les biphosphonates, le raloxifène ont montré leur capacité à lutter contre l’ostéoporose (9).
Malgré ces possibilités, on peut se demander pourquoi si peu de femmes présentant des fractures sont traitées en Europe, s’interrogeait Olof Johnell (Department of Orthopedics, General Hospital, Malmo, Suède) au congrès dédié à l’ostéoporose à Liège en décembre dernier. En effet, dans plusieurs pays d’Europe ( Allemagne, Belgique, Espagne, Pays – Bas),moins de 20% des femmes éligibles reçoivent une thérapie adaptée à leur état. Il est extrêmement déconcertant de constater que beaucoup de patientes à risque élevé – celles qui ont déjà souffert d’une fracture – ne sont pas traitées non plus. C’est d’autant plus affligeant que des thérapies efficaces qui peuvent diminuer de 50% le risque d’une nouvelle fracture existent à l’heure actuelle.
Virginie Wilpart
Diététicienne
Palais des congrès, Liège, 7 décembre 2000.
Bibliographie.
1. Fracture prevention in elderly women : treatment of osteoporosis is one approach, together with physical exercise and fall prevention, Prescire Int ., 1998, 7, 155-9.
2. Slemenda CW, Reister TK, Hui SL et al . : Influences on skeletal mineralisation in children and adolescents : evidence for varying effects of sexual maturation and physical activity, J. Pediat., 1994, 125, 201-7.
3. Valimaki MJ, Karkkainen M, Lamberg- Allardt C et al. : Exercise, smoking and calcium intake during adolescence and early adulthood as determinants of peak bone mass, BMJ, 1994, 309, 230-5.
4. Di Gregorio S, Danilovicz K, Rubin Z, Mantalen : Osteoporosis with vertebral fractures associated with pregnancy and lactation, Nutrition, 2000, 16, 1052-1055.
5. Reid IR : Pharmacological management of osteoporosis in postmenopausal women : a comparative review, Drugs Ageing, 1999, 15, 349-363.
6. Welten DC, Kemper HC, Post GB, van Staveren W : A meata-analysis of the effect of calcium and bone mass in young and middle aged females and males, J. Nutr. , 1995, 125, 2802-13
7. Ammann P , Bourrin S, Bonjour JP , Meyer JM, Rizzoli R : Protein undernutrition -induced bone loss is associated with decreased IGP-I levels and estrogen deficiency, J. Bone Miner. Res., 2000,15, 683-90.
8. Karkkainen M, Lamberg-Allardt C : An acute intake of phosphate increases parathyroid hormone secretion and inhibits bone formation in young women, J. Bone Miner. Res., 1996,11,1905-12.
9. Rapport sur l’ostéoporose dans la Communauté européenne, Commission européenne, Emploi et Affaires sociales (1998)
10. Bitensky L, Hart JP, Catterall A et al. : Circulating vitamin K levels in patients with fractures, J. Bone Joint Surg., 1988, 70, 663-4.
|