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Les allégations de santé : des mots contre les maux

Santé, équilibre, protection… le vingt et unième siècle verra fleurir de nombreux bouquets de mots aux parfums de santé : les allégations de santé. Ces petites phrases qui se retrouvent çà et là sur les emballages des aliments sonnent la fin d’une ère de prohibition en matière de communication nutritionnelle.

Par Nicolas Guggenbühl

" HEALTH & FOOD " numéro 45,
Février-Mars 2001

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Attribuer à l’un ou l’autre aliment des propriétés particulières qui, de près ou de loin, sont en rapport avec la santé n’est pas une nouveauté. C’est même un des plus vieux fantasmes dans l’histoire de l’alimentation. La célèbre phrase d’Hippocrate “De tes aliments tu feras tes médicaments” a traversé le temps sans prendre une ride. Mais le contexte a changé. Autrefois, la théorie dite des signatures était fort répandue : elle voulait qu’un aliment porte un signe distinctif permettant de lui attribuer certains effets. C’est ainsi que la laitue, parce qu’elle sécrétait un suc laiteux, était conseillée aux femmes qui allaitent pour favoriser la lactation. Cette théorie des signatures prête aujourd’hui à sourire. Pourtant, les allégations de santé poursuivent le même objectif : renseigner, d’un simple coup d’œil, sur certaines caractéristiques ou propriétés de l’aliment. A cette différence près que la croyance aveugle est remplacée par la science, nouvelle garante de l’intégrité des messages véhiculés.

En Belgique, les allégations de santé ont fait l’objet d’un document de référence élaboré par la Fédération de l’industrie alimentaire (Fevia). Ce “ code de bonne conduite”, qui a été avalisé par le Conseil Supérieur d’Hygiène, devrait entrer en application au printemps de cette année. Pour Johan Hallaert, Directeur de la politique alimentaire à la Fevia, “il ne s’agit pas d’induire le consommateur en erreur. L’allégation doit être correcte”. Pour lui, un spiritueux avec des vitamines ne devrait pas pouvoir bénéficier d’une allégation de santé.

Les allégations de santé peuvent appartenir à quatre types de catégories, en fonction de la nature de la référence qui est faite.

Les plantes à part

Les flavonoïdes du vin retiennent l'attention en raison de leurs propriétés anti-oxydantes. Ces polyphénols se retrouvent en plus grandes quantités dans le vin rouge que dans le blanc. Des chercheurs israéliens ont annoncé récemment qu'ils ont réussi à fabriquer un vin blanc dont le contenu en flavonoïdes est cinq fois plus élevé que celui du vin rouge. Le secret consiste à faire macérer les peaux de raisin (cette partie est particulièrement riche en flavonoïdes mais elle est rapidement séparée du liquide lors de la vinification en blanc) dans de l'alcool de vin puis d'ajouter ce liquide lors de la fabrication du vin blanc. Ces “prouesses” qui ne font probablement pas l'unanimité auprès des œnologues ne permettent pas non plus d'affirmer que l'élixir (dont le titre alcoolique est sensiblement accru) offre à celui qui le boit la fameuse cardio-protection dont bénéficient les Français malgré une alimentation grasse, protection encore appelée Paradoxe français.

Pour le consommateur comme pour le professionnel de la santé, les allégations de santé peuvent constituer un renseignement utile en vue de mieux cerner certaines caractéristiques d’un aliment ou rechercher des effets spécifiques. Si les fabricants respectent les règles du jeu, ces petites phrases trouvent un fondement scientifique. Elles peuvent faciliter la couverture nutritionnelle en un ou plusieurs nutriments, par exemple dans des situations où les besoins sont accrus (grossesse, malabsorptions intestinales…) ou lorsque certaines sources habituelles en ce nutriment ne sont ou ne peuvent être consommées en quantités suffisantes (p.ex. calcium et intolérance au lactose). Elles peuvent aussi tout simplement contribuer à attirer l’attention sur les relations entre l’alimentation et la santé. Il convient cependant de bien lire l’allégation et d’expliquer les différentes nuances : ce n’est pas parce qu’un aliment apporte un minéral impliqué dans la transmission de l’influx nerveux qu’il permet de prévenir les maladies nerveuses !
Les allégations étant destinées à apparaître sur les emballages des aliments, seules les denrées préemballées sont susceptibles de les arborer. Et comme l’explique Johan Hallaert, ce sont surtout les innovations alimentaires qui sont concernées par les allégations de santé. Concrètement, il s’agit surtout de ce que l’on appelle les aliments fonctionnels, dont l’essor est considérable. Il peut être bon de rappeler, à ce propos, que les aliments n’ayant pas subi de transformation et qui n’ont pas d’emballage (et donc pas d’allégation), peuvent présenter le même intérêt que ceux qui brillent par leur allégation. C’est d’ailleurs ce qui explique que dans le système américain, la Food and Drug Administration (FDA) autorise un certain nombre d’allégations de santé pour des denrées aussi courantes que les fruits, les légumes, les produits céréaliers complets etc.

Contrairement au code de bonne conduite qui se met en place, le système américain repose essentiellement sur la réduction du risque de maladie. Ceci explique notamment l’absence d’allégation – dans l’état actuel des connaissances – concernant des aliments tels que les probiotiques, les prébiotiques, les aliments contenant certains anti-oxydants ou certaines combinaisons d’anti-oxydants etc.

La mise en place du code de bonne conduite devrait permettre de faire le ménage dans la jungle des revendications. Il y a cependant peu de chances pour que les allégations de santé entraînent la disparition d’autres formes de communication susceptibles de cultiver l’image santé de tel ou tel aliment. Pour le consommateur, le bon usage des allégations ne sera pas une sinécure. Il ne sera probablement pas inutile de rappeler que ces nouvelles phrases ne remplacent pas certaines vieilles règles : les principes de l’alimentation équilibrée, que ce soit avec ou sans aliments arborant des allégations de santé, restent une priorité. La construction d’une alimentation optimale ne doit pas se résumer à une collection d’allégations.

Les 4 types d’allégations de santé en belgique
(d’après le code de bonne conduite de le Fevia)

1. “Nutrient function claim” : allégation sur la fonction d’un nutriment

Description du rôle d’un nutriment dans les fonctions physiologiques normales de l’organisme. Elles sont basées sur les connaissances scientifiques reconnues et généralement admises.
Exemples :
- Le calcium est nécessaire pour une ossature solide.
- La vitamine B2 est nécessaire pour le métabolisme des protéines.

2. “Health effect claim” :allégation concernant un effet sur la santé

Référence est faite à un effet spécifique positif pour la santé que présente une denrée alimentaire ou un de ses composants sur notre organisme, une fonction physiologique ou un paramètre biologique. Les termes “prendre soin de”, “soutenir”, “aider”, “conserver”, “maintenir”, “optimaliser”, “stimuler”, “affecter”, “favoriser”, contribuer”, dans le cadre du maintien et de la stimulation d’une bonne santé, tombent généralement sous cette définition. Il en est de même pour les termes tels que “augmenter”, “diminuer”, “améliorer”, “renforcer”, s’ils ont trait à des fonctions qui elles-mêmes n’impliquent pas une affection.
Exemples :
- Une prise importante de calcium renforce la masse osseuse.
- Produit X diminue le taux de cholestérol

3. “Healthy eating pattern claim” : allégation sur l’alimentation saine

Référence est faite à des recommandations officielles, faites par des organisations nationales et internationales reconnues, relatives à des habitudes alimentaires saines, à des recommandations nutritionnelles ou à des recommandations similaires.
Exemples :
- Le Conseil National de la Nutrition recommande une ingestion journalière de 800 mg de calcium. Le produit X en contient 120 mg/dl de calcium.

4. “Disease eating pattern claim” allégation concernant l’influence d’un aliment sur une affection

Utilisée lorsqu’une denrée alimentaire déterminée peut aider à réduire le risque d’une affection particulière. Un tel effet est possible si l’effet de la denrée alimentaire elle-même, ou celui des nutriments ou d’autres composants de la denrée alimentaire peut être prouvé ou est acquis sur base des connaissances scientifiques reconnues et généralement admises. Il ne s’agit pas d’une allégation de prévention ; elle le fait de manière indirecte en prônant l’importance d’un régime alimentaire plus sain en tant que garantie pour une meilleure santé.

Caractéristiques importantes :
- l’affection dont il est question n’est pas encore présente - l’origine de l’affection est de nature multifactorielle - l’allégation ne garantit pas que la denrée alimentaire peut prévenir l’affection - l’allégation indique que la denrée alimentaire contribue à la diminution du risque
Exemples :
- Une absorption adéquate de calcium peut aider à diminuer le risque d’ostéoporose
- Le produit X peut contribuer à réduire le risque de maladies cardio-vasculaires.

Allégations de santé autorisées par la FDA (Etats-Unis)
Nature de l’allégation
Exemples d’aliments concernés
Critères principaux
Calcium et ostéoporose laits écrémés, yaourts, tofu, jus d’agrumes enrichis en calcium Richesse en calcium, rapport calcium/phosphore > 1
Sodium et hypertension Thon et saumon non salés, fruits et légumes, laitages maigres, sorbets, céréales, farines, pâtes (sauf celles aux œufs) Faible teneur en sodium
Graisses alimentaires et cancer Fruits, légumes, produits laitiers maigres, sorbets, céréales, pâtes, farines Faible teneur en matière grasse
Lipides saturés et cholestérol et risque de maladie coronarienne Fruits, légumes, laitages maigres, céréales, produits à base de grains complets, pâtes (sauf celles aux œufs) Faible teneur en acides gras saturés, en cholestérol et en lipides totaux
Produits à base de grain contenant des fibres, fruits et légumes et cancer Pains et céréales complets, fruits, légumes Faible teneur en matière grasse, bonne source de fibres (hors enrichissement)
Fruits, légumes, produits de grains contenant des fibres, en particulier des fibres solubles et maladie coronarienne Fruits, légumes, pains et céréales à base de grains complets Faible teneur en acides gras saturés, en lipides totaux, en cholestérol et min 0,6 g de fibres solubles par portion (hors enrichissement)
Fruits et légumes et cancer Fruits et légumes Faible teneur en matière grasse, bonne source de fibres, de vitamine A et C (hors enrichissement)
Folate et anomalies du tube neural Produits céréaliers enrichis (pains, céréales pour petit déjeuner…), légumes secs, pois, légumes frais à feuilles vertes, oranges,pamplemousses, baies Bonne source d’acide folique (min 40 mcg par portion)
Sucres-alcools (polyols) et carie dentaire Confiserie et gommes sans sucre Sans sucre, sucre-alcool sur liste positive
Fibres solubles (avoine, psyllium) et maladie coronarienne Biscuits à la farine d’avoine, pains à l’avoine, céréales pour petit déjeuner contenant de l’avoine et/ou du psyllium Faible teneur en graisse, en cholestérol, en lipides totaux, fibres solubles par portion : min. 0,75 g pour l’avoine et min. 1,7 g pour le psyllium
Protéines de soja et maladie coronarienne Tofu, tempeh, steaks végétaux, boissons, dessert… à base de soja Faible teneur en lipides totaux, en acides gras saturés, en cholestérol (sauf produits à base de fève de soja entière sans ajout de matière grasse), min. 6,25 g de protéines de soja par portion, min 25 g de protéines de soja par jour.
Esters de stérols et de stanols végétaux et maladie coronarienne Matières grasses, sauces “dressing” Faible teneur en acides gras saturés, en cholestérol, min. 0,65 g d’ester de phytostérol par portion avec 2 prises quotidiennes (soit 1,3 g) ou min. 3,4 g d’ester de phytostanol par jour consommé en deux repas.
Potassium, tension artérielle et attaque cérébrale Fruits (surtout banane) et légumes Faible teneur en sodium (max. 140 mg par portion), bonne source de potassium (min. 350 mg de potassium par portion), faible teneur en lipides totaux (max. 3 g par portion), en acides gras saturés (max. 1 g par portion et max. 15 % de l’apport énergétique total de la portion) et en cholestérol (max. 20 mg)

Nicolas Guggenbühl
Diététicien Nutritionniste

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