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Les ALC, un pied de nez à l'ESB ?

Les acides linoléiques conjugués (ALC) font de plus en plus parler d’eux. La graisse animale est dès lors considérée avec un regard tout neuf. Au point de revenir sur nos jugements en matière de recommandations nutritionnelles ? L’idée gagne du terrain …

Par Nicolas Rousseau

" HEALTH & FOOD " numéro 49,
Novembre 2001

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Les acides linoléiques conjugués déchaînent les passions dans le monde scientifique. La deuxième journée d’étude “Santé animale, santé humaine” (1) souligne que cet enthousiasme se transmet progressivement au monde agricole.

Petit rappel de biochimie

On retrouve une dizaine d’isomères des ALC dans notre alimentation, particulièrement dans la graisse des ruminants et dans le lait (cf. Health and Food n° 42). L’acide ruménique (C18:2 (9c, 11t)), sécrété dans le rumen de l’herbivore, est l’isomère majeur des produits laitiers. Ces derniers bénéficient en effet de l’activité d’une enzyme présente dans la glande mammaire, la delta 9 désaturase, qui synthétise du C18:2 (9c, 11t) à partir de l’acide trans-vaccénique (C18:1 (11t)), le premier acide gras trans produit dans le rumen au départ de l’acide linoléique (C18:2). L’homme est aussi capable de former des ALC au départ de l’acide trans-vaccénique, grâce à l’action de cette enzyme, présente dans de nombreux tissus.

Contre le cancer

Selon le Prof. Yvan Larondelle (Unité de Biochimie de la Nutrition, UCL), les effets bénéfiques des ALC pour la santé sont prometteurs. Néanmoins, les recherches sont loin d’être terminées. Les études expérimentales montrant les effets anticancérigènes des ALC – généralement des isomères de synthèse - abondent. Récemment, l’effet des ALC issus de la matière grasse laitière a été évalué chez des rongeurs et l’isomère naturel du lait, l’acide ruménique, s’avère au moins aussi actif dans les modèles de tumeur mammaire que les isomères de synthèse. Ces données sont encore insuffisantes pour tirer des conclusions chez l’homme, même si une étude épidémiologique récente a mis en évidence une relation inverse entre l’ingestion d’ALC alimentaires et le cancer du sein.

Le lait entre en « trans »

Les effets physiologiques des ALC diffèrent sensiblement de ceux des autres acides gras trans. En Belgique, la consommation moyenne totale d’acides gras trans est estimée journellement à 3,2 g par personne. La moitié est amenée par les produits laitiers sous la forme d’acide trans-vaccénique, qui s’avère doté d’un effet protecteur contre les tumeurs mammaires induites chimiquement chez le rongeur. On obtient un protection similaire avec 1% d’acide ruménique et avec 2% d’acide trans-vaccénique dans l’alimentation. Cette découverte pourrait signer la fin d’un dogme selon lequel tout acide gras trans est néfaste. En effet, l’acide gras trans majoritaire du lait aurait bel et bien un effet bénéfique pour la santé ! Cette hypothèse, à vérifier, s’expliquerait par la désaturation tissulaire de l’acide trans-vaccénique en acide ruménique.

Un anabolisant naturel ?

La modification de la composition corporelle induite par les ALC a aussi fortement mobilisé le monde scientifique ces dernières années. Des données claires existent sur les effets des ALC sur la réduction de l’accumulation de la graisse chez les animaux en croissance. Une étude humaine récente avec groupe placebo rapporte que chez des adultes en bonne santé pratiquant régulièrement de l’exercice physique, la prise d’ALC entraîne une diminution significative de la masse adipeuse, sans modification du poids (2). Les ALC exercent vraisemblablement un effet sur le dépôt de graisse au niveau des adipocytes, mais pas sur la lipolyse de la graisse déjà stockée. Peut-être faudrait-il dès lors investiguer l’effet des ALC dans la prévention de l’obésité chez l’enfant obèse ?

Bientôt dans les rayons ?

La consommation d’ALC est-elle suffisante pour espérer bénéficier des effets prometteurs suggérés par les recherches ? Rien n’est moins sûr… De l’ordre de 0,3 à 1 g d’ALC sont ingérés quotidiennement par personne. L’essentiel est fourni par les produits laitiers. Cela représente entre 3 et 10 fois moins ce qui est nécessaire pour observer des effets bénéfiques chez l’animal. D’où l’idée de modifier les modes de production de produits animaux pour augmenter les apports alimentaires en ALC. Des filières d’élevages anticipent déjà l’éventuelle demande future des consommateurs et du monde médical pour des produits naturellement plus riches en ALC. Les animaux reçoivent une ration fourragère riche en acide linoléique, le précurseur des ALC. Une alimentation fonctionnelle pour le bétail avant d’être fonctionnelle pour l’homme ?

Nicolas Rousseau
Diététicien Nutritionniste

(1) Journée d’étude « Santé animale, Santé humaine » organisée par le Ministère des Classes Moyennes et de l’Agriculture à Ciney, le 26 octobre 2001.
(2) Thom E et al. J Int Med Res 2001;29(5):392-396.

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