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Alimentation des Ainés : sauver la mémoire et l'os

Comme un bon vin, l’alimentation des seniors devrait se bonifier avec l’âge. Malheureusement, la vieillesse fait encore trop souvent le lit de l’anorexie et de la malnutrition, au préjudice de la mémoire et du squelette…

Par Nicolas Rousseau

" HEALTH & FOOD " numéro 49,
Novembre 2001

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Les exposés présentés au 1er Congrès de l’Académie Internationale de Nutrition du Troisième âge (1), à Paris, montrent à quel point la qualité de l’alimentation des personnes âgées doit figurer au premier rang des priorités en termes de santé publique, en raison du vieillissement de la population. La dénutrition, l’ostéoporose et les maladies cognitives se préviennent avant tout à coup de fourchette et il importe d’éviter que le plaisir provoqué par la prise alimentaire ne s’estompe.

In frigo veritas

Le réfrigérateur est-il un bon indicateur de la malnutrition ? C’est en tout état de cause ce que suggèrent des gériatres des Hôpitaux Universitaires de Genève, en Suisse. Ils ont visité à leur domicile 132 Genevois âgés en moyenne de 65 ans, un mois après qu’ils aient quitté la policlinique de gériatrie. Les patients ont été suivis durant trois mois et le contenu de leur réfrigérateur a été systématiquement enregistré, de même que les réadmissions en hôpital. Les personnes âgées dont le réfrigérateur était vide (31 % des sujets) ont été plus fréquemment admises à la Policlinique dans le mois suivant l’évaluation médicale, alors que parmi celles dont le frigo était rempli, seules 8 % ont dû être de nouveau hospitalisés. Le temps écoulé entre le suivi médical et l’hospitalisation était également trois fois plus court (34 contre 100 jours) dans le cas d’un frigidaire dépouillé.

Améliorer la mémoire

Avec l’âge, la mémoire joue souvent de mauvais tours. Une étude américaine (2) montre qu’il est pourtant possible d’améliorer la capacité de mémorisation en consommant des aliments riches en énergie. Les 22 sujets, 11 femmes et 11 hommes âgés de 61 à 79 ans, ont subi des tests cognitifs après avoir absorbé soit un liquide placebo n’apportant pas d’énergie, soit une boisson contenant un isolat de protéine de petit-lait, du glucose ou des lipides. L’ingestion de calories, indépendamment de leur origine, a contribué à renforcer de manière significative la faculté de mémorisation des volontaires, par rapport au placebo. L’amélioration était plus importante pour les tests effectués 60 minutes après l’ingestion de liquide que pour ceux réalisés après 15 minutes. La boisson “glucidique” s’avère efficiente quel que soit l’intervalle de temps séparant la prise de boisson de la réalisation des tests. Ces résultats sont en accord avec les nombreuses études sur le petit déjeuner ayant montré l’importance des glucides dans la fonction cognitive. Ce qui est nouveau, c’est que certains aspects de la mémoire sont également contrôlés par les graisses et les protéines. Les auteurs de l’étude émettent l’hypothèse que les macronutriments agissent probablement en synergie ou via des mécanismes distincts dans des régions différentes du cerveau. Ainsi, la graisse est le seul macronutriment à renforcer l’attention qui est sous le contrôle des lobes pariétaux et frontaux. Etonnamment, l’ingestion de protéines augmente le volume d’information mémorisé à plus long terme, un phénomène influencé principalement par le glucose et placé sous l’égide des régions diencéphaliques et médio-temporales.

Calcium à boire

En Belgique, si la malnutrition protéinocalorique menace l’aîné, la couverture des besoins en calcium est également insuffisante. La situation est préoccupante chez les personnes âgées, car elles réduisent spontanément leurs apports énergétiques et rejettent volontiers les produits laitiers. Des études épidémiologiques réalisées en France montrent que les eaux minérales riches en calcium constituent une alternative valable pour permettre aux seniors d’atteindre les apports nutritionnels recommandés pour ce minéral. En outre, contrairement à ce que l’on a longtemps cru, l’absorption du calcium d’une eau calcique (min. 150 mg Ca/l) semble comparable à celle du calcium du lait. Sans dispenser pour autant des produits laitiers, pareille eau contribue donc de façon significative au bilan calcique et évite par ailleurs l’écueil de la déshydratation qui guette particulièrement l’aîné.

Mieux manger pour moins décliner

Le déclin de la santé mentale avec l’âge serait en partie associé aussi à une augmentation du stress oxydatif. D’où l’hypothèse selon laquelle les antioxydants pourraient contribuer à prévenir le développement de certaines démences, comme la maladie d’Alzheimer. Une étude française présentée au congrès indique que les taux plasmatiques de vitamine A et de vitamine E sont systématiquement plus faibles chez des sujets qui ont développé la maladie. Ces résultats sont soutenus par une étude américaine qui a montré, après 4 ans de suivi chez 117 patients atteints de la maladie d’Alzheimer, qu’un apport élevé de vitamine E est associé à une réduction de l’incidence de la maladie. Dans l’étude française EVA (Etude du Vieillissement Artériel), les sujets présentant les taux plasmatiques les plus faibles de sélénium, de caroténoïdes et de vitamine E étaient exposés à un risque accru de diminution des fonctions cognitives. Une des explications avancées pour étayer ce phénomène repose notamment sur le rôle joué par ces anti-oxydants dans la prévention de l’athérosclérose et des dégâts neuronaux causés par les radicaux libres. De nombreuses études sont cependant encore nécessaires pour pouvoir crier victoire…

Sauvez les os !

La prévention de l’ostéoporose constitue un autre défi majeur dans l’alimentation des seniors et l’on connaît bien le rôle clé du calcium et de la vitamine D. Cependant, l’apport restreint de protéines alimentaires est également un facteur limitant du métabolisme osseux. Selon l’endocrinologue JP Bonjour (Hôpital universitaire de Genève), nombreux sont les aînés chez qui la malnutrition protéinocalorique a des répercussions sur la densité minérale osseuse (DMO) du col du fémur et sur l’incidence des fractures de la hanche. Par rapport aux seniors sains, les patients présentant une fracture du col du fémur ont à ce niveau une DMO étroitement associée à de faibles taux plasmatiques d’IGF-1 (Insulin Growth Factor 1). Cette hormone est produite par le foie à partir de certains acides aminés alimentaires. In vivo, l’IGF-1 stimule la formation osseuse directement et aussi indirectement en favorisant la réabsorption rénale du calcium. Des travaux réalisés par l’équipe du Dr Bonjour chez des personnes âgées dénutries, hospitalisées pour une fracture de la hanche, indiquent que la normalisation des apports en protéines induit, après 6 mois, une élévation significative d’IGF-1 dans le plasma. Cette intervention atténue de surcroît la perte minérale au niveau de l’os fémoral et est associée avec une plus courte durée du séjour d’hospitalisation.

Nicolas Rousseau
Diététicien Nutritionniste

(1) 1er Congrès de l’Académie Internationale de Nutrition du Troisième âge, Palais des congrès, Paris 17e, Porte Maillot, du 29 au 30 juin 2001.
(2) Kaplan, Randall et al. Dietary protein, carbohydrate and fat enhance memory performance in the healthy elderly. Am J Clin Nut 2001;74:687-93

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