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Le diabète, loin du sucre…

Si les produits sucrés ont été longtemps fustigés dans l’alimentation des patients atteints de diabète de type 2, d’autres facteurs alimentaires apparaissent de plus en plus impliqués dans le développement de cette affection. C’est le cas des graisses et des viandes transformées.

Par Nicolas Guggenbühl

" HEALTH & FOOD " numéro 51,
Mars 2002

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Obésité et diabète de type 2 sont souvent liés dans la mesure ou la première affection constitue un facteur de risque de la seconde. Mais tous deux figurent au rang des maladies dites de civilisation, dont l’extension à l’échelle de la planète représente un véritable casse-tête.

Les glucides ont longtemps été au centre des préoccupations à propos de la « maladie du sucre ». Pourtant, la relation entre consommation de sucre et diabète, quoiqu’encore très vivante dans certains milieux, n’a jamais trouvé d’alibi dans la science moderne. D’autant que la perception du caractère hyperglycémiant d’un glucide donné a fait sa révolution depuis l’introduction, dans le courant des années quatre-vingt, de la notion d’index glycémique, qui a brisé le cou au dogme des sucres simples qui sont forcément « rapides » et des glucides complexes toujours « lents ».

Dans l’alimentation du diabétique de type 2, les glucides ont aujourd’hui retrouvé une place comparable à celle qu’ils occupent en alimentation équilibrée. Les lipides par contre, en particuliers les acides gras saturés, sont de plus en plus montrés du doigt, non seulement parce que leur surconsommation nuit à la santé du cœur et des artères (déjà précaire chez le diabétique) mais aussi parce qu’ils sont supposés jouer un rôle dans la survenue de l’affection. Et c’est peut-être ce qui contribue à expliquer certaines découvertes dans les comportements alimentaires associés au développement de l’affection et qui semblent bien éloignés du sucre.

Viandes et diabète

La viande a souvent été pointée du doigt dans des études épidémiologiques, notamment dans le domaine des maladies cardiovasculaires. Sa relation avec le diabète de type 2 n’a cependant fait l’objet que de très peu de travaux. Une association positive est ressortie d’une étude menée auprès des Adventistes du septième jour (1) mais cette relation reste très controversée. Et plus que la viande en soi, il semble que ce soient surtout les graisses d’origine animale associées à la consommation de viande qui doivent être incriminées. Toutes les viandes et les produits de viande ne peuvent évidemment pas être considérés de la même façon : entre un muscle squelettique de bœuf ou de porc qui contient moins de 5 % de matière grasse et des préparations de viande affichant plus de 30 % de matière grasse, il y a une marge…

C’est peut-être ce qui explique les conclusions de l’analyse de la Nurse Health Study, qui a montré une association positive entre la consommation de viandes transformées, mais pas celle des autres viandes, et le risque de survenue du diabète de type 2 (2). Cette observation, qui méritait des investigations supplémentaires, semble se confirmer au travers d’une nouvelle étude menée conjointement par l’Ecole de santé publique de Harvard à Boston (Etats-Unis) et l’Institut national pour la santé publique et l’environnement à Bilthoven (Pays-Bas) auprès de la cohorte de la Health Professionnal Follow-Up Study (3).

Fluidité des membranes

Cette étude a débuté en 1986 par la récolte d’informations auprès de 42.504 hommes âgés de 40 à 75 ans. Après un suivi de 12 ans, il apparaît que l’apport en lipides totaux et celui en acides gras saturés sont associés à un risque accru de diabète de type 2. Toutefois, cette relation disparaît lorsque l’on tient compte du BMI, ce qui suggère que l’effet délétère des graisses alimentaires s’exerce de manière indirecte, en augmentant l’adiposité. L’association est en outre atténuée après ajustement pour d’autres facteurs tels que l’apport en fibres de céréales et la consommation de magnésium.

Le caractère saturé ou insaturé des acides gras semble lui aussi jouer un rôle déterminant. On sait en effet que la sensibilité à l’insuline est associée à la proportion de lipides insaturés dans les muscles squelettiques, ce qui s’expliquerait par l’effet du degré d’insaturation sur la fluidité des membranes. Cette notion se voit renforcée par les résultats de cette étude montrant l’existence, uniquement chez les sujets âgés de moins de 65 ans et de poids souhaitable (BMI<25), d’une association inverse entre l’apport en acide linoléique et le risque de survenue du diabète de type 2.

Hot dog et bacon sur le gril

Un autre constat de l’étude de van Dam et coll. (3) concerne les viandes transformées : plus leur fréquence de consommation augmente, plus le risque de diabète de type 2 s’élève. Si ce constat peut s’expliquer, en partie au moins, par l’effet des graisses, en particulier des acides gras saturés dont ces denrées regorgent, le fait que la viande transformée se détache du lot pourrait aussi s’expliquer par la présence de nitrites. Ces conservateurs, dont les viandes transformées représentent la principale source, peuvent donner naissance, dans l’aliment mais surtout dans l’estomac, à des nitrosamines. Or, certaines nitrosamines (en particulier la streptozotocine), sont dotées d’une toxicité pour les cellules « bêta » des îlots de Langerhans. Des travaux antérieurs ont déjà montré l’existence d’un lien entre la consommation de nitrites et de nitrosamines et le risque de diabète de type 1.

Bien que le rôle précis des viandes transformées dans le diabète de type 2 mérite des recherches plus approfondies, la consommation fréquente de charcuteries ne semble donc pas seulement néfaste pour le cœur et les artères. Et pourtant, ces aliments sont bien loin dans les rangs des priorités en matière de prévention du diabète de type 2.

Nicolas Guggenbühl
Diététicien Nutritionniste

Références:
(1) Snowdon DA ET AL. Am J Public Health 74:507-512,1985.
(2) Colditz GA et al. Am J Clin Nutr 55:1018-1023,1992.
(3) Van Dam RM et al. Diabetes Care 25:417-424,2002.

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