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Les statines n'excluent pas un régime méditerranéen !

Il existe très peu d’études scientifiques portant sur l’importance des mesures non-pharmacologiques associées à une thérapie à base de statines pour le traitement de la dyslipidémie.

Par Patrick Mullie

" HEALTH & FOOD " numéro 51,
Mars 2002

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Récemment, une étude est parue au sujet de l’usage de la simvastatine (Zocor - Merck Sharp & Dohme) et de l’alimentation méditerranéenne pour traiter l’hyperlipidémie (1). Un traitement hypocholestérolémiant comprenant des inhibiteurs de l’hydroxy-methylglutaryl coenzyme A reductase (statines) peut faire diminuer la mortalité et la morbidité chez des patients coronariens, de même que pour des personnes saines avec un risque cardiovasculaire accru (2,3). En prévention secondaire des pathologies coronaires, les interventions alimentaires ont également montré qu’elles pouvaient diminuer la mortalité et la morbidité (4,5).

L’alimentation méditerranéenne a-t-elle encore un intérêt ?

Jula et al. (1) ont étudié les influences d’une alimentation méditerranéenne (comprenant un maximum de 10% de graisses saturées, un maximum de 250 mg de cholestérol alimentaire et enrichi en acides gras n-3 pour un rapport entre n-6 et n-3 de maximum 4) et de la simvastatine (20 mg/jour) sur 120 hommes ayant une hypercholestérolémie (cholestérol total à jeun entre 232 et 309 mg/dl). Après l’intervention alimentaire, le cholestérol total avait baissé de 7.6%, le cholestérol LDL de 10.8%, le cholestérol HDL de 4.9% et le taux d’insuline plasmatique de 14.0%. La triglycéridémie et la glycémie restaient inchangées. Après le traitement à base de simvastatine, le cholestérol total était diminué de 20.8%, le cholestérol LDL de 29.7%, les triglycérides de 13.6%. Le cholestérol HDL avait montré une augmentation de l’ordre de 7.0% et le taux d’insuline plasmatique de 13.2%. La glycémie était restée inchangée.
La consommation simultanée d’une alimentation méditerranéenne avec de la simvastatine fournit un effet additionnel sur les lipides sanguins (le cholestérol LDL diminue de 41%). L’alimentation méditerranéenne fut responsable d’une diminution de 3.5% de la concentration d’alpha-tocophérol dans le sang, les concentrations d’acide ascorbique, de bêta-carotène, d’homocystéine et d’ubiquinol-10 restant inchangées. Après un traitement à base de simvastatine, l’alpha-tocophérol a diminué de 16.2%, le bêta-carotène de 19.5% et l’ubiquinol-10 de 22.0%. Les taux d’acide ascorbique et l’homocystéine restaient inchangés.

Les conséquences physiologiques d’une diminution du coenzyme Q10 (ubiquinone ou ubiquinol sous forme réduite) suite à un traitement à base de statines sont inconnues et demandent de manière urgente des études plus approfondies. Le coenzyme Q10 joue un rôle essentiel dans la séquence respiratoire des mitochondries (transport d’électrons issus de l’oxydation des aliments dans le cycle de Krebs). Il est partiellement fourni par l’alimentation (sardines, maquereau et huile de soja sont très riches en CoQ10) et, d’autre part, produit par l’organisme.
La synthèse endogène à partir de tyrosine et de farnésylpyrophosphate, un métabolite intermédiaire de la synthèse du cholestérol, est contrôlée par l’hydroxy-methylglutaryl coenzyme A reductase, qui est freinée par les statines. Dans une revue de Overvad et al. (6), il apparaît que des taux sanguins abaissés de CoQ10 ont été mis en évidence en cas d’insuffisance cardiaque et que la consommation de CoQ10 comme supplément alimentaire apporte une amélioration de la condition physique, des paramètres cliniques et hémodynamiques, ainsi que des plaintes liées à l’angine de poitrine.

La diminution des lipides sanguins, dans le cadre de cette étude, suite à la consommation d’un régime méditerranéen, peut être expliquée par :

  • Le fait que 7% des graisses saturées sont remplacées par des graisses mono et polyinsaturées, selon une méta-analyse de Gardner et al. (7), va de pair avec une diminution de 25 mg/dl du cholestérol total.
  • La réduction de la consommation de cholestérol alimentaire de 80 mg, selon Howell et al. (8), signifie une diminution du cholestérol total de seulement 2 mg/dl. Cette méta-analyse montre clairement qu’une limitation du cholestérol alimentaire dans le régime méditerranéen n’a que des résultats très limités sur le cholestérol total.
  • La consommation de 2.2 grammes de fibres solubles qui pourra faire baisser le cholestérol total de l’ordre de 3 mg/dl. Malgré l’apport accru de l’alpha-tocophérol durant l’intervention alimentaire, les concentrations sériques diminuent de 3.5%. Cette diminution peut être la conséquence du fait que l’alpha-tocophérol est lié au cholestérol LDL, une diminution du cholestérol LDL occasionnant donc une diminution de l’alpha-tocophérol.

Pourquoi manger méditerranéen ?

Cette étude souligne un certain nombre de points essentiels du traitement de l’hyperlipidémie:

  • Ce n’est pas parce qu’une statine puissante est consommée que l’intervention alimentaire est inutile. L’administration temporaire d’un régime méditerranéen est responsable d’une diminution supplémentaire des lipides dans le sang, d’une stabilisation des concentrations sériques en bêta-carotène et d’ubiquinol-10, tout en freinant la stimulation de la production d’insuline plasmatique de la simvastatine et pour un apport satisfaisant d’acides gras n-3.
  • Une alimentation méditerranéenne peut limiter la quantité de statines nécessaires, ce qui peut avoir des conséquences pharmaco-économiques importantes.
  • Pour une hyperlipidémie modérée, une alimentation méditerranéenne peut apporter une normalisation du cholestérol LDL.
  • La consommation d’une alimentation méditerranéenne incluant des aliments fonctionnels hypolipidémiants comme des aliments à base de phytostéroles et/ou phytostanols peut diminuer le cholestérol LDL de 10 à 15% de plus.

Il est grand temps qu’à côté des traitements fondés sur les statines, qui peuvent sauver des vies, une réglementation financière favorable prévoie une approche non-pharmacologique de l’hyperlipidémie.

Patrick Mullie
Diététicien

Références :
1. Jula A, Marniemi J, Huupponen R, et al. Effects of diet and simvastatin on serum lipids, insulin, and antioxidants in hypercholesterolemic men. JAMA 2002; 287: 598-605.
2. Scandinavian Simvastatin Survival Study Group. Randomized trial of cholesterol lowering in 4444 patients with coronary heart disease: the Scandinavian Simvastatin Survival Study (4S). Lancet 1994; 344: 1383-1389.
3. Sheperd J, Cobbe SM, Ford I, et al. Prevention of coronary heart disease with pravastatin in men with hypercholesterolemia. N Engl J Med 1995; 333: 1301-1307.
4. Burr ML, Fehily AM, Gilbert JF, et al. Effects of changes in fat, fish, and fibre intakes on death and myocardial reinfarction: diet and reinfarction trial (DART). Lancet 1989; 2: 757-761.
5. De Lorgeril M, Renaud S, Mamelle N, et al. Mediterranean alpha-linoleic acid-rich diet in secondary prevention of coronary heart disease. Lancet 1994; 343: 1454-1459.
6. Overvad K, Diamant B, Holm L, et al. Coenzyme Q10 in health and disease. Eur J Clin Nutr 1999; 53: 764-770.
7. Gardner CD, Kraemer HC. Monounsaturated versus polyunsaturated dietary fat and serum lipids: a meta-analysis. Arterioscler Thromb Vasc Biol 1995; 15: 1917-1927.
8. Howell WH, McNamara DJ, Tosca MA, et al. Plasma lipid and lipoprotein responses to dietary fat and cholesterol: a meta-analysis. Am J Clin Nutr 1997; 65: 1747-1764.

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