Par Nicolas Rousseau
" HEALTH & FOOD " numéro 53,
Juin-Juillet 2002
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Bien que la plupart des édulcorants intenses soient issus de la main de l’Homme, certains existent aussi à l’état naturel et sont extraits de végétaux (i.e.stévioside). Le caractère naturel ou artificiel ne modifie en rien les pré-requis pour figurer au menu. De tous les ingrédients alimentaires, et même de tous les additifs alimentaires, les édulcorants sont probablement les substances les plus étudiées et les plus (ré)évaluées sur le plan toxicologique.
Les édulcorants sont réglementés !
C’est en Europe que le plus grand nombre d’édulcorants est autorisé pour l’alimentation humaine. Cela ne veut pas dire pour autant que la politique européenne en matière de législation sur les additifs est moins exigeante qu’ailleurs, bien au contraire ! La « loi du plus doux » s’appuie sur la directive 94/35/EC (probablement amendée cette année) transposée en arrêté royal en 1997. Celle-ci fixe quels sont les édulcorants autorisés, dans quelles concentrations et sous quel(s) étiquetage(s), selon le principe de la liste positive.
Deux catégories d’édulcorants émargent à cette définition : les édulcorants massiques (polyols, fructose, fructanes, maltodextrines), au pouvoir sucrant modéré, et les 7 édulcorants intenses ou acaloriques (aspartame, acésulfame de potassium, cyclamates de sodium, saccharine, néohespéridine DC, thaumatine, sucralose).
La dose fait le poison
Evidemment, on ne peut pas recourir aux édulcorants sans respecter certaines précautions d’usage quant aux concentrations mises en œuvre. Aussi, le JECFA (Joint Expert Committee on Food Additives), à l’OMS, a fixé les règles du jeu. Pour les polyols (sorbitol, xylose,…), l’expression « Quantum satis » stipule qu’ils doivent être employés à des doses strictement nécessaires. Ceux-ci ne présentent en effet pas de réel danger, hormis un léger effet laxatif. Pour les édulcorants intenses, généralement obtenus par synthèse, le principe de précaution a débouché sur la définition d’une dose journalière acceptable ou “DJA”. Celle-ci suppose la quantité d’édulcorant qui peut être consommée, toute la vie, par un individu sans présenter de danger pour la santé. Elle est calculée au départ d’une dose sans effet chez l’animal, divisée par un facteur de sécurité (souvent égal à 100), tenant compte des différences entre espèces et entre individus. Attention, il ne s’agit nullement d’une limite de toxicité ! On peut la dépasser occasionnellement, seuls les apports moyens sur le long terme sont comptabilisables. Ce n’est toutefois que rarement le cas. Ainsi, pour prendre l’exemple de l’aspartame (DJA = 40 mg/kg de poids corporel), un individu de 60 kg devrait consommer journellement 120 comprimés ou 12 canettes de cola light ou 1 bocal complet d’aspartame…
Les édulcorants stimulent-ils l’appétit ?
Rien de plus faux. Encore un préjugé tenace difficile à braver.
Les édulcorants ne stimulent pas l’appétit et n’entraînent pas de compensation au repas suivant, comme l’ont montré de récentes études. Ils n’exercent également pas (ou si peu) d’influence sur la glycémie et l’insulinémie, premiers signaux déclencheurs de la faim : l’effet sur la glycémie d’une boisson « light » est comparable à celle de l’eau. Les édulcorants constituent donc un bon outil dans l’obésité, car s’ils entretiennent le goût pour le sucre, ils favorisent une meilleure compliance au régime à long terme et peuvent donc contribuer à la perte de poids. A condition bien sur d’éviter de compenser avec d’autres aliments les calories ainsi « économisées ».
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La nature a aussi ses dangers
Un bel exemple du suivi scientifique continu des édulcorants de synthèse est le cas de l’aspartame. Il s’agit sans nul doute du produit sucrant sur le dos duquel on a cassé le plus de sucre. Tantôt accusé de porter atteinte à la santé de la femme enceinte et de sa progéniture, d’exercer des effets cancérigènes, de provoquer des maux de tête, des troubles digestifs, … aucune étude à ce jour (plus de 200 et sur de larges échantillons) n’a pourtant apporté la preuve d’une éventuelle toxicité. La seule contre-indication majeure demeure toujours la phénylcétonurie (1 cas sur 15000 en Europe).
Côté « naturel », le cas du stévioside est éloquent. Cet édulcorant très puissant, doté d’un arrière-goût de réglisse, provient d’une plante originaire d’Amérique du Sud : la Stevia rebaudiana Bertoni. Stable à la cuisson (ce qui n’est pas le cas de l’aspartame, même si ce « défaut » peut être corrigé dans les mélanges d’édulcorants), ce composé tout à fait naturel se décompose dans l’organisme en stéviol, qui s’avère mutagène chez le rat… Son approbation a donc été rejetée par le Comité Scientifique de l’Alimentation Humaine, en 2000. La FDA et le JECFA ont adopté les mêmes positions.
Le futur et les synergies
Jusqu’à présent, aucun édulcorant n’a pu remplacer la saveur inimitable du saccharose. Le sucre se cuisine également plus facilement que la plupart de ses substituts. Chaque édulcorant a enfin ses propres caractéristiques. La science des édulcorants est cependant à la pointe et de nouvelles molécules très puissantes (le néotame, entre autres) sont en cours d’étude. En attendant, on trouve des solutions alternatives comme les associations d’édulcorants entre eux ou avec le sucre. En les mélangeant, les édulcorants agissent en synergie si bien qu’il en faut moins pour reproduire la saveur sucrée recherchée.
Nicolas Rousseau
Diététicien Nutritionniste
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