Par Nicolas Rousseau
" HEALTH & FOOD " numéro 55,
Octobre-Novembre 2002
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L'incidence du diabète de type 2 est en constante augmentation dans le monde et pose donc aujourd’hui un réel défi pour la santé publique. Ce problème concerne essentiellement les individus obèses ou en surcharge pondérale. En effet, l’excès de poids condamne, à moyen terme, à développer un diabète de type 2. La fatalité serait-elle l’excuse des âmes sans volonté (R.Roland) ? Tout patient obèse a l’opportunité d’éviter cet écueil en perdant du poids, même modestement, ce qui suffit bien souvent à reprendre « en main » le contrôle métabolique. Toutefois, cette étape semble difficile à franchir chez le diabétique de type 2, non seulement pour des raisons métaboliques (l’hyperglycémie et l’hyperinsulinisme concourent à faire prendre du poids), mais aussi à cause des traitements de diabète de type 2, qui provoquent généralement aussi un gain de poids.
L’orlistat a montré chez l’homme qu’il était efficace pour faire perdre du poids à long terme. Peut-il dès lors contribuer à améliorer certains facteurs métaboliques chez les diabétiques de type 2 ?
L’orlistat a-t-il sa place dans le diabète de type 2 ?
Sept études cliniques prospectives d’envergure conduites entre 1 à 2 ans chez plus de 2500 individus suggèrent que l’orlistat s’avère un adjuvant judicieux chez des obèses ou des personnes en excès de poids diabétique de type 2. Elles sont compilées dans une publication de synthèse récente (1).
L’utilisation de l’orlistat n’est en effet pas compromise dans le cas où le patient obèse présente déjà un diabète de type 2. Au contraire, le traitement serait même conseillé à long terme, en soutien d’antidiabétiques oraux ou d’injections d’insuline. Trois études portant sur 1388 patients démontrent en tous cas une réelle efficacité chez des patients insuffisamment contrôlés avec des doses maximales de sulfonylurées, metformine et/ou insuline (voir tableau 1).
Prises collectivement, ces données à 1 an suggèrent que, quelle que soit l’intervention thérapeutique (hormis les thiazolidinediones, non étudiées), l’orlistat abaisse significativement le poids corporel, l’hyperglycémie à jeun et le marqueur du diabète, l’hémoglobine glycosylée (HBA1c), par rapport au placebo (à noter : placebo = traitement standard avec ADO et/ou insuline conjuguée à une restriction calorique).
Par ailleurs, l’efficacité de l’orlistat semble plus importante lorsque le taux d’HBA1 c est élevé. Enfin, pour le Professeur Aila Rissanen (Helsinki University Central Hospital), la prise d’orlistat s’accompagne aussi chez ces patients d’une réduction, modeste, mais significative du LDL-C (graphique 1), de la pression artérielle (diastolique et systolique) et des doses d’insuline (environ 10 %).
Quatre autres études, impliquant environ 1162 patients obèses diabétiques de type 2, ont été menées avec l’orlistat, sur des périodes s’étalant entre 6 mois à un an. En moyenne, au terme de l’intervention, la perte de poids était de l’ordre de 3,8 kg. L’orlistat provoquait également une diminution de 0,74 % de l’HBA1c, concomitante à une baisse de 1,39 mmol/l de l’hyperglycémie à jeun.
Un effet indépendant du poids ?
Les bénéfices de l’usage de l’orlistat sur le contrôle métabolique du diabète de type 2 seraient-ils entièrement dus à l’amaigrissement ? Cette perception n’est pas tout à fait correcte.
Il a été clairement démontré que l’orlistat exerce un effet sur le LDL-C, indépendamment de la perte de poids (selon certains travaux, l’orlistat inhiberait même l’absorption du cholestérol). Au niveau du contrôle glycémique, des études ont montré que, même si la perte de poids est équivalente par rapport au placebo, l’orlistat induit une chute plus marquée de la glycémie. De là à dire qu’il exercerait un effet indépendant de la perte de poids, il est un pas à franchir qui nécessite encore de nouvelles recherches...
Tableau 1
Variation du poids corporel et de l’hémoglobine glycosylée (HbA1c)
chez des diabétiques de type 2 sous orlistat (1).
|
Traitement |
HBA1c initial (%) |
HBA1c final (% |
Modification du poids corporel (% |
Sulfonylurées |
Placebo (n) |
Orlistat (n) |
Placebo (n) |
Orlistat (n) |
Placebo (n) |
Orlistat (n) |
. |
7,5 +/- 0,2 (159) |
7,5 +/- 0,2 (162) |
+ 0,18 +/-0,11 |
- 0,28 +/- 0,09* |
- 4,3 +/- 0,5 |
- 6,2 +/- 0,5* |
Insuline |
9,0 +/- 0,1 (269) |
9,0 +/- 0,1 (266) |
- 0,27 +/- 0,08 |
- 0,62 +/- 0,08* |
- 1,2 +/- 0,3 |
- 3,8 +/- 0,3* |
Metformine |
8,8 +/- 0,1 (249) |
8,9 +/- 0,1 (254) |
- 0,61 +/- 0,08 |
- 0,90 +/- 0,08* |
- 1,7 +/- 0,3 |
- 4,6 +/- 0,3* |
Le futur appartient à la prévention
Ces données cliniques montrent à souhait que l’orlistat apparaît aujourd’hui bien armé pour entrer dans l’arsenal thérapeutique de l’obésité et du diabète de type 2… Mais peut-il aussi entrer de plain pied dans la prévention de cette affection qui devrait, selon les estimations, toucher près de 300 millions de personnes sur la planète d’ici à 2025 ?
Une analyse rétrospective de plusieurs études conduites entre 1 à 2 ans (3) suggère que l’orlistat s’avère une intervention judicieuse chez des obèses ou des personnes en excès de poids à haut risque de diabète de type 2.
En moyenne, la perte de poids sous orlistat était plus grande (6,7 kg versus 3,8 kg) que sous placebo (restriction calorique + exercice physique). Au sein de la cohorte, on observe un effet significatif de l’orlistat sur l’intolérance au glucose : 10,8 % des patients contrôles ont développé la maladie endéans les 2 ans, contre seulement 6,6 % des patients recevant l’orlistat.
D’après l’analyse de Heymsfield, le bilan est encore meilleur chez ceux qui, dès le départ, étaient intolérants au glucose : seuls 3 % deviennent diabétiques de type 2 avec l’orlistat contre 7,6 % avec le placebo (graphique 2), soit une réduction de 65 % du risque de diabète de type 2 dans cette population…
L’étude XENDOS (XENical in the prevention of Diabetes in Obese Subjects), qui comportaient 3304 patients suédois diabétiques de type 2 suivis pendant 4 ans, dont les résultats ont été présentés au Congrès International sur l’Obésité en août à Sao Paulo, au Brésil, confirme cette tendance déjà soulevée dans l’étude de Heymsfield..
Nicolas Rousseau
Diététicien Nutritionniste
Réf.
(1) Kelley DE et Jneidi M, Expert Opin Pharmacother 2002 ; 3(5) : 599-605
(2) Roche Symposium – June 2002
(3) Heymsfield SK et al. Arch Intern Med 2000; 160: 1321-1326 |