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L’homocysteine : un épouvantail pour le senior?

L’hyperhomocystéinémie est un facteur émergent dans les maladies artérielles qui est désormais pris de plus en plus au sérieux par les spécialistes. Chez la personne âgée, elle rend précaire la récupération post-infarctus et altère les fonctions mentales…

Par Nicolas Rousseau

" HEALTH & FOOD " numéro 60,
Août-Septembre 2003

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Jusqu’il y a peu de temps encore, on ne disposait pas de données sur la prévalence de l’homocystéine en Belgique. L’étude Homocor (données non encore publiées), coordonnée par le Prof. Patrick Chenu (Chef de Clinique, service de Pathologie Cardiovasculaire, Cliniques Universitaires UCL Mont-Godinne) lève un coin du voile sur la question. Cette étude multivariée très complète révèle que 15,8 % de la population wallonne présente une hyperhomocystéinémie légère (16-30 mcmol/l) à modérée (31-100 mcmol/l) et que 1,6 % font étalage d’ une hyperhomocystéinémie très sévère (> 100 mcmol/l). L’analyse multivariée montre par ailleurs qu’il existait une corrélation très forte entre le taux d’homocystéine et l’ensemble des antécédents d’athérosclérose documentée et prouvée pour les patients. Mieux encore, la correction était plus forte qu’avec une dyslipidémie et donc, qu’avec le cholestérol… Pour le Dr Chenu, l’homocystéine est probablement un marqueur global de l’athérosclérose et doit donc être suivie de très près !

Cœur blessé, cerveau dérangé

Cette hypothèse d’un effet de l’homocystéine sur la santé du cœur et du cerveau semble tenir la route chez le senior. Une étude polonaise récente (1) a évalué l’influence des taux d’homocystéine sur le pronostic à 3 mois après un infarctus de 75 patients âgés en moyenne de 68 ans. La récupération post-infarctus était mesurée selon l’échelle de Rankin :
0-2 bonne récupération ; 3-5 mauvaise récupération et décès. L’hyperhomocystéinémie (prise ici comme > à 15 mcmol/l) multipliait le risque de mauvaise récupération par 12 (IC 95% ; CI 2,93-47,42). La situation se complique également de dommages cérébrovasculaires. Ainsi, une autre étude, menée dans les mêmes conditions (2) chez 95 Australiens suggère que les taux élevés d’homocystéine présents en post-infarctus sont associés à de sévères altérations sur le plan cognitif. L’imagerie par résonance magnétique met en évidence des lésions au niveau du lobe frontal, siège de l’attention et des mouvements volontaires. Les taux d’homocystéine, par ailleurs 34 % plus élevés que les 55 sujets sains contrôles de l’étude, sont directement corrélés avec le nombre et le volume des infarctus. Pour les auteurs, on ne peut pas négliger non plus un rôle neurotoxique de l’homocystéine elle-même, car dans le groupe contrôle, la présence de l’hyperhomocystéinémie signait, à l’imagerie, une légère mais significative atrophie ventriculaire cérébrale.

La dose fait le poison

Selon toute vraisemblance, l’hyperhomocystéinémie a, chez la personne âgée, carrément un effet dose sur la détérioration des fonctions mentales. Une étude italienne (3) conduite chez 650 vieillards âgés en moyenne de 73 ans indique que les résultats obtenus au MMSE (Mini-Mental State Examination) sont entièrement dépendants des taux d’homocystéine : les sujets présentant un score de 24-25 avaient des concentrations plasmatiques d’homocystéine supérieures aux seniors réalisant un score de 26-28, eux-mêmes pénalisés par les sujets obtenant un score honorable et > à 28.

Les vitamines B à la rescousse ?

Dans ce contexte, une lueur d’espoir pourrait venir des vitamines B6, B9 et B12, bien connues pour leur rôle actif dans l’épuration de l’homocystéine. Des études de supplémentation à grande échelle en prévention secondaire sont actuellement en cours. L’une d’entre elles vient de livrer ses résultats à l’occasion de la Fourth International Conference on Homocysteine Metabolism, à Bâle, en Suisse, au début de l’été. Ses perspectives sont encourageantes à plus d’un titre. Les auteurs, des chercheurs de l’Institut de Biochimie Pathologique de l’Université Friedrich-Schiller d’Iéna, en Allemagne, ont réalisé un examen échographique chez 50 patients de 60 ans présentant des signes d’athérosclérose avérés. Les volontaires ont reçu pendant un an, tous les jours, soit une triple combinaison de vitamines du groupe B (B6 : 25 mg ; B12 : 0,5 mg et B9 : 2,5 mg), soit un principe non actif.
Au terme de l’étude, l’échographie est répétée : de manière surprenante, l’accumulation de la plaque d’athérosclérose, parallèlement à la diminution de l’homocystéine, avait régressé dans le groupe vitamines… et avait augmenté dans le groupe placebo. Pour le Professeur Till, directeur de l’Institut, c’est totalement inattendu ! On pouvait raisonnablement s’attendre au ralentissement de l’évolution de l’athérosclérose, mais certainement pas à une amélioration. Même s’il faut attendre encore les résultats d’autres essais toujours en cours, le fait de consommer davantage d’aliments riches en folates, notamment, n’est certainement pas un luxe pour la personne âgée…

Nicolas Rousseau
Diététicien Nutritionniste

Réf:
Pniewski J et al. Acta Neurobiol Exp 2003; 63 (2) : 127-30.
Sachdev PS et al. Dement Geriatr Cogn Disord 2003 ; 15 (3) : 155-62.
Ravaglia G et al. Am J Clin Nutr 2003 ; 77 (3) : 668-73.

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