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Le “sans sel” pour les aînés ?

Les spécialistes américains remettent en question les mérites d’une alimentation pauvre en sel (1,2). Cette recommandation est-elle justifiée pour traiter l’hypertension des personnes âgées?

Par Patrick Mullie

" HEALTH & FOOD " numéro 60,
Août-Septembre 2003

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Au pays de l’Oncle Sam, on estime que près de deux seniors sur trois sont confrontés à l’hypertension. Etant donné le vieillissement de la population, on peut donc s’attendre à ce que ce problème s’amplifie encore à l’avenir.
Parmi les éléments qui composent le traitement non pharmacologique de l’hypertension, on retrouve la perte de poids, la consommation de fruits et légumes, une réduction de l’apport d’alcool et de graisse et la limitation de l’usage de la salière.
Mais pour ce dernier point, il y a autant de partisans que de détracteurs…

Non à un régime pauvre en sodium ?

Les opposants au régime pauvre en sodium accordent plus d’importance à une alimentation équilibrée qu’à une réduction de la teneur en sel de l’alimentation des seniors hypertendus. Ils appuient notamment leur discours sur les résultats de l’étude DASH, où avec une alimentation saine, on observait une diminution sensible de la tension artérielle, sans les inconvénients d’une alimentation pauvre en sodium… Un autre argument, plus récent, plaide en faveur de l’abandon définitif de la restriction sodée : des méta-analyses récentes (3,4) portant sur la limitation du sodium ont montré chez les patients hypertendus une réduction moyenne de la tension systolique et diastolique, respectivement de 3,7 à 4,9 mm de Hg et de 0,9 à 2,6 mm de Hg, soit un effet beaucoup plus modeste que celui observé avec le régime DASH !

DASH pour tous !

Pour rappel, l’étude DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension) (5) comportait à l’origine 459 volontaires répartis en trois groupes : le premier, le groupe contrôle, recevait l’alimentation américaine traditionnelle, le second, une alimentation enrichie en fruits et légumes et le dernier, le groupe DASH, une alimentation riche en fruits et légumes, en céréales complètes et en produits laitiers écrémés et était globalement pauvre en graisses. Aucune recommandation particulière ne concernait le sodium. Par rapport au groupe contrôle, le groupe des fruits et légumes a enregistré une baisse de la pression systolique et diastolique respectivement de 2,8 et 1,1 mm de Hg. Dans le groupe DASH, cette diminution culminait respectivement à 5,5 et 3 mm de Hg. Au sein d’un sous-groupe de patients hypertendus, la baisse était même encore plus significative pour DASH : 11,4 et 5,5 mm de Hg, respectivement.

Vive la restriction de sel...

Au vu de ses résultats extraordinaires, l’étude DASH a eu une suite : l’étude DASH-sodium (6). On prend les mêmes et on recommence en ajoutant cette fois trois niveaux de restriction sodée : 3300, 2400 et 1500 mg par jour. L’effet sur la tension artérielle s’est révélé chaque fois le meilleur avec le plus faible apport en sel. Conclusion : même en présence d’une alimentation saine, une limitation de la teneur en sel a un effet additif sur la baisse de la tension artérielle, aussi bien systolique que diastolique. Il n’y a donc plus de doute à avoir : la limitation de la consommation de sodium (et donc de sel) fait baisser la tension artérielle. Les résistances face à cette mesure non pharmacologique sont plutôt un cri du cœur : comment maintenir à long terme une alimentation pauvre en sodium chez nos seniors ?

Morale de l’histoire

Une alimentation pauvre en sodium n’est pas chose aisée à entreprendre à court terme. En premier lieu chez le senior, mieux vaut probablement débuter par un traitement non pharmacologique de l’hypertension, démarrant par une alimentation de type méditerranéen, associée à une perte de poids et plus d’activité physique.
Ce changement du mode de vie améliore l’état de santé général de la personne âgée. En cas d’échec ou si cette initiative s’avère insuffisante, une restriction sodée s’avère alors souhaitable.

Il faut toutefois garder à l’esprit que sans un peu de bonne volonté de la part de l’industrie alimentaire pour réduire la quantité de sel au cours de la production, diminuer sensiblement l’exposition au sel s’avèrera très difficile, voire impossible. Les efforts de grand-mère pour réduire l’utilisation de sel en cuisine pour les repas de grand-père sont certes louables, mais malheureusement sans doute ridicules en regard de l’apport total quotidien de sel !
Finalement, le régime ne sera efficace que le jour où l’on réduira la teneur en sodium de la plupart des ingrédients alimentaires.
Alors vos frites? Sans sel et surtout, avec modération !

Patrick Mullie
Diététicien

Réf:
(1) McCarron DA. Am J Clin Nutr 2000;71:1013-1019.
(2) Kaplan NM. Am J Clin Nutr 2000;71:1020-1026.
(3) Cutler JA et al. Hypertension 1991;17(suppl):I–27–33.
(4) Midgley JP et al. JAMA 1996;275:1590–7.
(5) Appel LJ et al. N Engl J Med. 1997 Apr 17;336(16):1117-24.
(6) Sacks FM et al. N Engl J Med. 2001 Jan 4;344(1):3-10.

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