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Le soja, graine de star...

Le Congrès international portant sur le Soja et la Santé, vient de connaître sa troisième édition*. De nouvelles données élargissent désormais le rôle du protecteur du soja à des domaines comme le diabète de type 2, les maladies rénales chroniques ou l'inflammation.

Par Nicolas Rousseau

" HEALTH & FOOD " numéro 68, Décembre 2004

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Cela fait maintenant plusieurs années que le soja alimente régulièrement les chroniques de l’actualité scientifique. Ses effets bénéfiques sur le mauvais cholestérol font déjà l’unanimité depuis quelques années et des preuves s’accumulent aussi pour affirmer que le soja (jaune, et non vert, comme celui servi dans les restaurants asiatiques du Vieux Continent) joue un rôle probablement capital dans la plus faible prévalence du cancer du sein ou de la prostate, ainsi que de l’ostéoporose et des symptômes de la ménopause, dans les pays asiatiques. Néanmoins, la recherche s’active toujours pour élucider les mécanismes afférents à ces effets protecteurs et expliquer pourquoi certaines études ne donnent pas des résultats aussi prometteurs. Bref, le débat sur le soja est parfois houleux, mais toujours passionnant. Et les questions brûlent encore un peu plus avec la découverte de nouvelles propriétés pour cette petite graine, qui n’a véritablement pas fini de nous étonner.

Levée de l’insulinorésistance

La déplétion en oestrogènes et l’insulinorésistance contribuent activement au rythme accéléré de l’apparition des maladies cardio-vasculaires chez la femme ménopausée et diabétique de type 2. Cette situation explique aussi en partie pourquoi les femmes diabétiques de type 2 meurent quatre fois plus souvent que les hommes de ce type de maladies. De nombreux travaux soulignent l’impact favorable des isoflavones et des protéines du soja sur les facteurs de risque cardio-vasculaires. Certaines études ont suggéré aussi que les isoflavones du soja réduisent l’insulinorésistance chez des guenons ovariectomisées et les taux d’insuline chez des femmes postménopausées en bonne santé. Selon Stephen Atkin (University de Hull, Royaume-Uni), cet effet semble subsister chez la femme postménopausée et diabétique de type 2, tout du moins à court terme.

L’endocrinologue s’appuie notamment sur les résultats d’une étude cross-over de supplémentation, randomisée en double aveugle versus placebo, conduite chez 32 femmes répondant à ce profil. Le supplément comportait 30 g de protéines de soja et 132 mg d’isoflavones, le placebo, 30 g de cellulose, à raison d’une prise par jour. Les auteurs de cette étude ont suivi pendant 12 semaines l’évolution de l’insulinorésistance, du contrôle glycémique et de plusieurs marqueurs du risque cardio-vasculaire.

Verdict : là où le placebo ne modifie aucun des paramètres mesurés, le supplément à base de soja a réduit l’insulinémie à jeun de 8,09 % et l’insulinorésistance (calculée à partir de l’Homeostasis Model Assessment Method ou HOMA **) de 6,47 %. L’intervention se solde aussi par une diminution de 4 % du cholestérol total, de 7 % du mauvais cholestérol LDL et de 3,9 % du rapport cholestérol total/HDL. Ces résultats supportent les observations d’un faible taux d’insuline chez les Japonais, en comparaison de Japonais émigrés aux Etats-Unis. Il reste maintenant à savoir si la consommation de soja a également des effets à plus long terme dans cette population à haut risque, mais aussi chez l’homme diabétique de type 2.

Chute de reins

Les évidences d’un effet protecteur de la fabacée à l’égard des maladies rénales chroniques ont également tendance à s’amonceler ces derniers mois, comme le signale le Dr Manuel Velasquez, de l’Université Georges Washington, Washington, USA. La consommation de soja et certains produits dérivés du soja révèlent, de manière consistante, une amélioration de la fonction rénale, une réduction de la protéinurie, des dommages occasionnés à l’appareil rénal et même un ralentissement de la progression vers un stade plus avancé chez plusieurs modèles animaux avec un large éventail de maladies rénales chroniques.

Même topo, avec quelques nuances, chez l’homme : le suivi de « régimes » à base de protéines de soja apparaît diminuer la protéinurie et préserver la fonction rénale, même si ces effets n’ont pas été observés dans toutes les études consacrées au sujet. Il est vrai aussi que les essais cliniques sont plutôt rares, de durée limitée et menés sur de petits échantillons, ce qui incite à la prudence, ajoute Velasquez. Parmi les composés du soja qui semblent tirer leur épingle du jeu dans l’effet « néphroprotecteur », il faut citer les isoflavones, mais aussi les saponines, des composés lipidiques de la famille des cires. Les mécanismes d’action du soja à ce niveau sont encore très obscurs, mais pourraient s’avérer soit directs, via des actions anti-inflammatoires ou sur la perméabilité membranaire de la cellule rénale, soit indirects, par des effets antioxydants, antihypertenseurs ou hypolipémiants.

Le soja pourrait aussi avoir des répercussions collatérales favorables chez les patients atteints de maladies rénales chroniques, car il est de plus en plus établi qu’il existe un fort gradient entre la diminution de la filtration glomérulaire et la mortalité cardio-vasculaire. Améliorer la fonction rénale avec le soja permettrait ainsi de jouer sur deux tableaux.

Prostate, inflammation et cancer

Dernier aspect neuf évoqué lors de cette réunion internationale de spécialistes du soja, la prostatite. Le rôle de l’inflammation dans la pathogenèse du cancer de la prostate est une hypothèse qui est aujourd’hui prise de plus en plus au sérieux (1). Les données épidémiologiques établissent des corrélations claires entre les deux pathologies et révèlent également que l’apport d’anti-inflammatoires et d’antioxydants diminue le risque de cancer prostatique. Ceci fournit donc de nouvelles opportunités de traitement et de prévention d’une maladie qui constitue toujours la deuxième cause de mortalité par cancer chez l’homme.

La piste du soja se réchauffe crescendo, même si les informations sur ses effets anti-inflammatoires demeurent toujours fragmentaires et parfois conflictuelles. Des travaux récents suggèrent notamment que le soja agisse au cours des dernières étapes de la prostatite chez l’animal, en diminuant l’inflammation périvasculaire, glandulaire et l’inflammation du stroma (la trame conjonctive du tissu prostatique) après seulement quelques semaines de traitement.

Les composants responsables de ces effets anti-inflammatoires du soja restent à déterminer, mais il ne serait pas étonnant de voir les isoflavones y jouer encore les premiers rôles. En effet, les taux d’isoflavones du soja dans le plasma et les fluides prostatiques sont plus importants chez les hommes provenant des pays asiatiques, où la prostatite et la mortalité par cancer de la prostate sont basses, en comparaison des pays occidentaux.

Même si de nombreux travaux sont encore nécessaires, l’effet bénéfique du soja sur la prostate est de mieux en mieux admis et certainement moins sujet à caution que celui de la chémoprévention du cancer du sein chez la femme, où il semble désormais qu’une exposition précoce au soja, durant les 20 premières années de la vie, soit indispensable pour profiter d’un véritable effet préventif.

Nicolas Rousseau
Diététicien nutritionniste

* International Conference Soy & Health 2004 – Bruges, 8 et 9 octobre 2004
** HOMA-IR = (insulin x glucose)/22,5

Référence :
(1) Nelson WG et al J Urol 2004 Nov ; 175(5 Pt 2):S6-11;S11-2

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