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Les oméga 3 à toutes les sauces

Si le concept de « bonnes graisses » s'est longtemps cantonné à celui des acides gras poly-insaturés, désormais, ce sont les oméga 3 qui retiennent toute l'attention. On en mange peu, mais en parle beaucoup. Les produits revendiquant la présence de ces « perles lipidiques » se multiplient, et le clament haut et fort. Pas toujours à juste titre...

Par Nicolas Guggenbühl

" HEALTH & FOOD " numéro 70, Mars/Avril 2005

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Les graisses font leur révolution, avec pour porte-drapeaux, les oméga 3. Ces acides gras « sortent de l’eau », puisque ce sont les études montrant que les Esquimaux se nourrissant essentiellement d’animaux marins bénéficient d’effets « cardioprotecteurs » attribuables à ces acides gras. Aujourd’hui, les poissons restent le principal vivier d’oméga-3, tout au moins des longues chaînes que sont le EPA et le DHA. Pour autant cependant qu’il s’agisse de poissons gras (sardine, maquereau, hareng, anguille) ou mi-gras (saumon, flétan, truite saumonée…). Mais pour les vertébrés aquatiques, les temps changent… Une partie de plus en plus importante provient désormais de l’aquaculture. Or, les poissons d’élevage, comme le saumon ou la truite, peuvent être très pauvres… ou très riches en oméga-3, selon qu’ils ont reçu dans leur ration des huiles végétales ou des huiles de poisson. Une donnée essentielle, qui ne figure pourtant sur aucun emballage de saumon acheté…

Famille nombreuse

Paradoxalement, le groupe des matières grasses « visibles » est resté longtemps en dehors du sujet oméga 3. Ce n’est que depuis quelques années, après plus d’une décennie de règne pour l’huile d’olive et ses mono-insaturés, que les choses bougent. Les huiles riches en oméga-3 (lin, colza, noix, mélanges d’huiles…) font parler d’elles, et des matières grasses tartinables confectionnées à partir de ces huiles ont fait leur apparition. Ces produits n’apportent cependant qu’un seul oméga 3, l’acide alpha-linolénique (ALA), sauf lorsqu’ils sont additionnés d’huile de poisson, (source de EPA et DHA), voire de DHA issu d’algues.

Les oméga 3 débutent aussi une carrière prometteuse dans les œufs, le lait, la viande et la volaille. L’incorporation de graines riches en oméga 3 (par exemple des graines de lin extrudées) permet de moduler favorablement le profil lipidique de toute une série d’aliments issus du règne animal. Du côté du pain aussi, l’incorporation de graines riches en oméga-3 suit son chemin.

D’autres produits surfent sur la vague médiatique des oméga 3, et l’on peut se demander jusqu’où cela ira. Ainsi, on peut désormais trouver des boissons aux fruits… enrichies en oméga 3 !

Un pour tous ?

Derrière la face visible des oméga 3, à savoir l’emballage des produits, se cachent des différences importantes en terme de composition. Ainsi, le terme « oméga-3 » figurant sur l’étiquetage n’est pas très explicite, car il ne permet donc pas de savoir s’il y a un ou plusieurs oméga-3 différents. Or, il semble de plus en plus évident que les trois oméga 3 (ALA, EPA et DHA) sont complémentaires et doivent être trouvés dans l’alimentation.

Outre la nature des oméga-3, les teneurs peuvent aussi afficher des différences considérables. Ainsi, une huile ou une margarine riche en oméga 3, un poisson d’aquaculture nourri à l’huile de poisson ou même de simples noix affichent des teneurs nettement supérieures à celles retrouvées dans une viande maigre ou du lait issus d’une filière « lin ».

« Riche en » ou « source de » ?

À partir de quand un aliment peut-il revendiquer une allégation nutritionnelle du type « riche en oméga-3 « ? En attendant que les règles soient clairement fixées dans notre pays, on peut se référer aux recommandations émises par l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), dans son rapport du 10 juillet 2003. Celles-ci partent du principe que le niveau d’apport doit avoir une signification sur le plan de la physiologie cardiovasculaire.

Les niveaux d’apport requis, exprimés en pourcentage des apports journaliers recommandés (AJR), sont parfaitement compatibles avec le projet de réglementation européenne sur les allégations, à savoir min. 15 % des AJR pour « source de… » et min. 30 % des AJR pour « riche en… ». Avec cependant pour différence que dans ce cas, le pourcentage ne fait pas référence aux AJR, mais aux recommandations françaises (les ANC).

Allégations nutritionnelles quantitatives pour les oméga 3

Allégation
% des ANC
ALA pour 100 g ou 100 ml ou 100 kcal
DHA pour 100 g ou 100 ml ou 100 kcal
Source d’acides gras oméga 3
min.15 %
min. 300 mg
min. 18 mg
Riche en acides gras oméga 3
min. 30 %
min. 600 mg
min. 36 mg

À côté des allégations nutritionnelles quantitatives, le groupe de l’Afssa a aussi planché sur des allégations fonctionnelles et de santé. Le produit doit d’abord répondre aux critères du niveau 1, à savoir être « source de… » ou « riche en… ». Ensuite, le rapport entre l’acide linoléique (LA) et les acides gras oméga-3 (ALA, EPA et DHA) doit être inférieur ou égal à 5. Les oméga 3 sont représentés par le terme « équivalent ALA », basé sur un facteur de bioconversion entre ALA d’un part, EPA et DHA d’autre part, de 10.

Si le produit contient moins d’un tiers de son apport énergétique sous forme de lipides, il peut revendiquer l’allégation de niveau 2, à savoir qu’il participe au « ré-équilibrage des apports en acides gras oméga 3 ». Pour les produits plus riches en lipides, cette allégation n’est autorisée que si la proportion d’acides gras saturés est faible (max 30 % des acides gras).

Pour le cœur ?

S’il y a bien un domaine dans lequel les oméga 3 ont apporté la preuve de leur intérêt, c’est dans le fonctionnement du système cardiovasculaire. Mais ici aussi, les quantités et le contexte nutritionnel doivent être pris en compte. Ainsi, un beurre issu d’une filière lin peut très bien faire valoir un meilleur profil lipidique qu’un beurre ordinaire, mais de là à lui prêter des effets sur le système cardiovasculaire…

Pour revendiquer un effet en rapport avec le bon fonctionnement cardiovasculaire, l’aliment doit répondre aux deux niveaux d’allégations précédents, et contenir au plus 150 mg de cholestérol pour 100 g ou 100 ml. Dans ce cas, il peut prétendre à l’allégation fonctionnelle « les acides gras oméga 3 participent au bon fonctionnement du système cardiovasculaire ». Toute la démarche du groupe de travail de l’Afssa vise donc à prendre en compte la composition globale du vecteur alimentaire, ce qui l’amène à recommander qu’une évaluation spécifique soit requise lorsque l’intérêt nutritionnel est contestable.

Pièges de portions

Ce système présente l’avantage de fournir des balises favorisant une communication scientifiquement correcte, mais elle a ses limites. Comme pour la législation sur l’enrichissement, la quantité minimale préconisée est toujours exprimée en référence à 100 g de produit (ou 100 ml ou 100 kcal). Ce système n’est donc pas toujours pertinent, surtout lorsqu’il y a un décalage important entre la portion consommée, et 100 g. Ainsi, une matière grasse peut revendiquer être « source d’oméga-3 », mais en consommer 10 g sur deux tranches de pain n’apportera que 1,5 % des AJR, ce qui est pratiquement insignifiant d’un point de vue nutritionnel. Il convient donc, pour apprécier correctement la contribution d’un aliment à la couverture en oméga-3, de ramener ces quantités aux portions réellement consommées dans le cadre d’une alimentation équlibrée.

Nicolas Guggenbühl
Diététicien Nutritionniste

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