La prise en charge diététique du patient obèse revêt-elle des spécificités aux soins intensifs ? C’était un des sujets abordés à l’occasion du congrès Espen (The European Society for Clinical nutrition and Metabolism) qui s’est déroulé du 27 au 30 août à Bruxelles. Peu de données sont disponibles sur la morbidité et la mortalité des patients obèses dans les soins intensifs. Cependant, les complications de l’obésité aux soins intensifs ne sont pas pour autant méconnues. Pourtant, l'obésité morbide n'a pas été incluse comme une variable de comorbidité dans le score APACHE (Acute Physiologic and Chronic Health Evaluation) II et III, qui est utilisé pour évaluer la gravité de la maladie du patient dans les unités de soins intensifs. Les patients obèses hospitalisés ont un plus grand risque de développer des complications tant respiratoires que cardio-vasculaires. Très souvent, le médecin se trouve confronté au patient aux soins intensifs lors d’une admission en urgence ou suite à une opération chirurgicale. Dans ces unités, le(a) diététicien(ne) a un rôle à jouer. En effet, il est impossible de ne pas alimenter ce patient alité sous prétexte qu’il est obèse. La tendance actuelle est de fournir à ce patient une quantité de calories faible en phases de soins intensifs afin de ne pas augmenter les marqueurs inflammatoires et les facteurs glucidiques.
Un métabolisme d’envergure
En dépit d’avoir emmagasiné de la matière grasse et d’une augmentation de la masse maigre, les individus obèses sont en danger de malnutrition protéique durant la période de stress métabolique. La perte de poids durant les périodes de maladies intenses n’est pas nécessairement bénéfique pour le patient obèse. Il est primordial d’apporter une alimentation appropriée. Les individus obèses ne peuvent pas mobiliser leurs graisses pendant la maladie. A la place, ils comptent sur les glucides. L'utilisation accrue de glucides entraîne une augmentation du quotient respiratoire et accélère la fuite de protéines, combustible de la gluconéogenèse. Un calorimètre indirect pourrait être employé pour calculer la dépense énergétique. Si ce n'est pas disponible, alors les patients devraient recevoir 20-30 kcal par kg de leur poids idéal par jour, selon Adam et al. La plupart des calories devraient être fournies sous forme d’hydrate de carbone, avec cependant une couverture suffisante en lipides pour éviter un manque d’acide gras essentiels.
Sous ou sur-alimenter ?
De nombreux conflits existent à propos de l’alimentation des patients obèses dans les soins intensifs. La prise de conscience n’est pas évidente face à une personne obèse aux soins intensifs. Une suralimentation engendre des complications en particulier par des hyperglycémies et des accroissements des facteurs inflammatoires. Actuellement, la tendance est la mise en exécution du soutien alimentaire spécialisé par un apport hypocalorique, à haute valeur protéique. L’apport de calories additionnelles empire les glycémies qui grimpent en flèche. L’hyperglycémie a comme conséquence une accumulation de masse grasse. Elle augmente le risque de suralimentation, sans pour autant améliorer de façon significative l’anabolisme des protéines.
La littérature courante indique que le régime hypocalorique, qu’il soit administré par voie entérale avec beaucoup de protéines, soit par voie parentérale, a un avenir prometteur en tant que pratique standard de support métabolique dans les phases critiques de la maladie, comme c’est la cas dans les soins intensifs. Les objectifs prioritaire visés cosnsite à atteindre un anabolisme protéique, tout en évitant les complications liées à la suralimentation. Il faut aussi tenir compte des bénéfices liés à la une perte de poids. Cet avantage passe au second plan, mais il est le bienvenu.
La prévention, maître mot
Il est clair que le patient obèse demandera des soins supplémentaires dans les salles de secours. Pour tout le personnel, c’est un défi au quotidien. Un meilleur arrangement de la pathophysiologie et des complications qui accompagnent l'obésité peut améliorer les résultats. Vu les statistiques catastrophiques sur l’évolution de l’obésité dans le monde, des recherches sur la prise en charge de ces patients dans les unités de soins intensifs doivent être entreprises. Là encore, la mise en route de plan de prévention de l’obésité n’est pas négligeable, que du contraire. La motivation du personnel de la santé et la volonté du patient obèse doivent s’associer afin d’obtenir des résultats satisfaisants au long cours.
Catherine Dolhen
Diététicienne
Références
Adams JP, Murphy PG. Obesity in anaesthesia and intensive care. British Journal of Anaesthesia. 2000; 85: 91-108
B. Taylor, A. Renfro, L. Mehringer. The role of the dietitian in the intensive care unit. Current opinion in Clinical Nutrition & Metablolic Care. 2005; 8: 211-6
ESPEN Congress 27e. Conférence de presse The European Society for Clinical Nutrition and Metabolism. An integrated nutrition for improving outcome. Brussels.27 – 30 août 2005.
RN Dickerson. Hypocaloric feeding of obese patients in the intensive care unit. Current opinion in Clinical Nutrition & Metablolic Care. 2005; 8: 189-96 |