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Le cholestérol mange-t-il son pain noir ?

La compliance à long terme de la diététique est faible chez la plupart des sujets hypercholestéromiques, le succès du médicament occultant souvent la mauvaise volonté de l’assiette. Les margarines enrichies en esters de phytostérols et en esters de phytostanols, qui ont envahi les étals de nos supermarchés invitent peut-être à se remettre à table.

Par Nicolas Rousseau

" HEALTH & FOOD " numéro 46,
Avril-Mai 2001

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Les Journées de Nutrition Pratique qui se sont tenues récemment à Paris* ont rappelé combien le cholestérol demeure en Europe un important problème de santé publique. Ce constat est d’autant plus affligeant qu’une baisse minime de la cholestérolémie peut sauver des vies. Selon le Prof Bruckert (Hôpital Pitié Salpêtrière, Paris), la possibilité de recourir à une margarine enrichie en phytostérols constitue un progrès certain, car le coût de la prise en charge des patients ne cesse d’augmenter du fait des avancées thérapeutiques.

Sous le tartinable, une belle plante

Les phytostérols (à ne pas confondre avec les phytoestrogènes) désignent l’ensemble des composés de structure proche du cholestérol, mais dérivant du règne végétal. Le terme phytostanols (ou stanols) comprend le ou les composés artificiellement hydrogénés. Les phytostérols les plus abondants dans la nature sont le bêta-sitostérol, le stigmastérol et le campestérol. Notre alimentation occidentale en apporte quotidiennement entre 200 et 300 mg, notamment via le pain et les céréales (17% des phytostérols totaux), mais aussi par les noix et les huiles végétales (tournesol, colza). Cela reste toutefois insuffisant pour observer le même effet hypocholestérolémiant que celui du nouveau tartinable enrichi en esters de phytostérols (l’estérification est l’étape obligatoire pour assurer leur incorporation dans les aliments), dans lequel la concentration est voisine de 13,8 %, soit l’équivalent de 8 g de phytostérols aux 100 g.

Cinquante ans au frigo

Historiquement, l’effet hypocholestérolémiant des phytostérols est connu depuis les années 50, explique le Prof Bruckert, mais c’est véritablement depuis 1995 que l’étude publiée dans le “New England Journal of Medicine” (1) a focalisé l’attention des cliniciens sur ces produits. Ce travail démontre que des esters de sitostanol (l’homologue hydrogéné du sitostérol) incorporés dans une margarine provoquent une réduction substantielle du cholestérol total et du LDL-cholestérol de 10 et 14% chez des patients présentant une hypercholestérolémie modérée. Le HDL-cholestérol n’est quant à lui pas modifié. Des études comparatives ont mesuré l’effet des stanols et des stérols et ont conclu que leurs propriétés anticholestérolémiantes étaient similaires, pour une consommation de l’ordre de 1 à 3 g par jour (soit l’équivalent de 20 g de margarine ou 4 tranches de pain tartinées). Ceci est d’autant plus remarquable qu’il a été établi récemment que les phytostérols peuvent être combinés aux statines et permettent une diminution additionnelle de 6% du LDL-cholestérol. Cette action est plus importante que celle obtenue si on doublait la dose de statines !

Le cholestérol en “selles”

L’inhibition de l’absorption intestinale du cholestérol (près de 36%) par les phytostérols est due à la grande similitude des propriétés physico-chimiques de ces composés avec celles du cholestérol. En effet, l’augmentation de la quantité de phytostérols dans la lumière intestinale entraîne une diminution de la micellisation du cholestérol (alimentaire et endogène) et donc de sa solubilité. Le cholestérol précipite et son excrétion fécale augmente. Le foie réagit rapidement et se met à produire du cholestérol pour compenser les pertes fécales. Cependant, cette compensation n’est pas totale et est conjuguée à la production hépatique de récepteurs au LDL-cholestérol, processus qui conduit à la diminution effective de son taux circulant. Pourrait-t-on croire dès lors en une influence à long terme des phytostérols sur l’athérosclérose ? Oui, selon le Prof Bruckert, des travaux récents ont en effet indiqué une réduction de la taille des lésions de l’aorte chez la souris et une diminution dose-dépendante de la formation de la plaque athéromateuse chez le lapin. Ces résultats prometteurs demandent encore confirmation chez l’homme.

Un miracle de la nature ?

Si l’effet des margarines enrichies aux phytostérols et aux phytostanols est séduisant, il ne constitue pour autant pas la panacée. Le bénéfice des phytostérols se mesure surtout (mais pas exclusivement) chez des sujets qui présentent un taux de cholestérol bien au-dessus de 190 mg/dl et dans le cadre d’ une alimentation équilibrée. Il est en outre limité, compte tenu de la courbe effet-dose qui forme un plateau au-delà de 3 g de phytostérols. Le cholestérol n’est pas le seul perdant dans la lutte pour l’absorption. Le lycopène et le bêta-carotène écopent aussi, les vitamines A, D, E et K restant somme toutes épargnées. Quand bien même, comme la multiplication des pains dans la bible, l’arrivée d’une multitude de dérivés de ces margarines (mayonnaise, crème, fromage…) est probable. Comment pourra-t-on dès lors contrôler et éviter la surconsommation ? Il importe donc de surveiller le marché d’autant plus que l’emploi de telles margarines ne se justifie pas chez la femme enceinte et chez l’enfant, qui ont des besoins spécifiques, notamment en cholestérol et en vitamines liposolubles.

La nutrition préventive, cela s’apprend aussi !

Nicolas Rousseau
Diététicien Nutritionniste

* Dietecom- Les Journées de Nutrition Pratique, Paris, 8 et 9 mars 2001.

(1) Miettinen et al, N Engl J Med 1995; 333:1308-12.

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