Par Nicolas Guggenbühl
" HEALTH & FOOD " numéro 50,
Janvier 2002
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La consommation modérée de vin rouge au cours des repas est pressentie comme une des explications capables d’élucider le fameux « paradoxe français », constat d’une faible mortalité cardiovasculaire en France par rapport à d’autres contrées, malgré une alimentation relativement riche en lipides totaux et en acides gras saturés.
Si les données abondent pour accorder à de petites quantités d’éthanol une influence favorable sur certains paramètres sanguins, en particulier le cholestérol HDL, le vin rouge se détache souvent du lot des boissons alcoolisées, ce qui plaide en faveur d’un effet (supplémentaire) de la fraction non-alcoolique, plus précisément les flavonoïdes, une classe de la grande famille des composés phénoliques. Les flavonoïdes se concentrent surtout dans la peau du raisin (et dans les pépins), raison pour laquelle ils ne sont bien extraits que lors de la vinification « en rouge », grâce à leur macération dans le jus avant la fermentation.
Au cœur des vaisseaux
Les flavonoïdes et autres polyphénols du vin (tout comme ceux du cacao et du thé) doivent leur notoriété à leurs propriétés anti-oxydantes. Pourtant, celles-ci n’ont jamais été en mesure de faire toute la lumière sur les vertus particulières du jus de la treille.
D’où l’importance d’une nouvelle étude qui, pour la première fois, suggère l’existence d’un autre mécanisme cardio-protecteur pour ces précieux composés (1).
L’expérience, effectuée à partir de cultures cellulaires cardiaques bovines, révèle que la fraction non-alcoolique du vin rouge (et pas celle du vin rosé ou blanc), inhibe la production d’endothéline-1. Ce composé - synthétisé par la paroi vasculaire - exerce sur les vaisseaux sanguins un effet vasoconstricteur. A l’inverse, les substances qui bloquent l’endothéline-1 pourraient réduire les stries lipidiques dans les vaisseaux et diminuer le risque cardiaque. Si cette nouvelle piste doit encore trouver confirmation chez l’homme, on peut encore relever qu’une fois n’est pas coutume, l’explication du « paradoxe français » ne proviendrait pas de France… mais d’Angleterre !
Lutter contre l’inflammation
Le poisson est, lui aussi, largement considéré comme un aliment « cardio-protecteur ». Il a même tout intérêt à être gras puisque les acteurs principaux sont les fameux acides gras oméga-3 hautement poly-insaturés, à savoir le EPA (C 20:5 n-3) et le DHA (C 22:6 n-3). Comme le vin rouge, le poisson gras bénéficie d’un solide socle d’arguments en faveur de son action favorable pour la santé du cœur et des artères, par des mécanismes qui impliquent notamment un effet sur les triglycérides et la formation de thrombus. Par ailleurs, de nombreuses données évoquent un effet anti-inflammatoire pour le DHA.
Une nouvelle étude effectuée auprès de patients présentant des signes cliniques de maladie coronarienne et, en conséquence, ayant subi une angiographie, s’est intéressée à la protéine C-réactive (CRP) , un marqueur de l’inflammation des tissus, y compris celle des vaisseaux sanguins (2). Or, les hypothèses faisant intervenir des phénomènes inflammatoires dans la pathogénie de l’athéromatose sont de plus en plus prises en considération par les spécialistes.
Les chercheurs ont mesuré la teneur en acides gras oméga-3 dans les membranes des granulocytes pour obtenir un reflet de la consommation de poisson gras au cours des semaines précédentes. Les personnes avec les taux de CRP dans le quartile le plus bas présentaient des taux de DHA dans les membranes significativement plus élevés. Le taux de CRP ne montrait pas de différence entre les personnes ayant souffert d’une attaque cardiaque et celles qui en étaient indemnes. Par contre, les individus présentant un rétrécissement des artères par développement de plaques athéromateuses affichaient des taux de CRP significativement supérieurs à ceux des participants sans rétrécissement artériel.
Cette corrélation inverse entre CRP et DHA suggère donc un effet anti-inflammatoire du DHA chez les patients avec une maladie coronarienne stable, venant ainsi étayer un peu plus les voies par lesquelles les poissons gras exercent leur effet « cardio-protecteur ».
Nicolas Guggenbühl
Diététicien Nutritionniste
Références :
(1) Corder R et al. Nature 2001;414:863-4.
(2) Madsen T et al. Am J Cardiol 2001 Nov 15;88(10):1139-42. |