Par Patrick Mullie
" HEALTH & FOOD " numéro 52,
Mai 2002
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Le premier présentateur, le Prof. Dr. Seidell, Department for Chronic Diseases Epidemiology, Bilthoven, nous a entretenu de l’incidence de l’obésité dans les pays développés et sous-industrialisés. Après une épidémie d’obésité, on doit inévitablement s’attendre à une épidémie de diabète durant les années qui suivent : il y a eu 135 millions de cas en 1995, on peut s’attendre à 300 millions en 2025. Des campagnes de prévention actives au niveau de la population sont la seule alternative efficace. Voici en comparaison les sommes qui furent investies en campagnes publicitaires aux USA : 50 millions de dollars pour les snacks, 116 millions de dollars pour les boissons fraîches, 1000 millions de dollars pour MacDonalds, 2 millions de dollars pour combattre l’hyperlipidémie et seulement un million de dollars pour promouvoir les fruits et légumes !
Le Prof. Dr. Trayhurn, Neuroendocrine & Obesity Biology Unit Department of Medicine, Liverpool, a ensuite présenté les mécanismes biologiques qui jouent un rôle dans le contrôle de l’énergie métabolisée et du poids corporel. Les adipocytes jouent un rôle essentiel dans ce contrôle, qui ne se limite pas à stocker passivement les lipides. Nous savons maintenant que les adipocytes fonctionnent comme un organe endocrine et communiquent activement avec le cerveau via la leptine, qui module les signaux neurochimiques. Un surplus de leptine indique une masse trop importante d’adipocytes et constitue pour le cerveau un signal pour perdre du poids. Par contre, une carence en leptine est un signal adressé au cerveau pour indiquer une prise de poids.
Le Prof. Dr. Muls, Department of Endocrinology, Metabolism and Nutrition, Louvain, a traité la relation complexe entre les lipides et l’obésité. Les personnes obèses avec une accumulation graisseuse abdominale présentent une augmentation du risque de syndrome métabolique, avec une hypertriglycéridémie et une concentration faible en cholestérol HDL. Cette dernière ouvre surtout la porte à un rapport cholestérol total/cholestérol HDL élevé, avec, comme conséquence, un risque augmenté de pathologies coronariennes.
Outre le fait que l’obésité s’accompagne d’une accumulation abdominale de graisse, elle peut aller de pair avec une baisse du cholestérol LDL, proportionnellement, la concentration en particules de cholestérol petites et denses, très athérogènes, est assez élevée. Ces particules LDL ont été associées à une insulinorésistance, un risque accru d’oxydation, une augmentation des triglycérides et une baisse du cholestérol HDL. Cette forme d’obésité présente un profil lipidique défavorable. Outre une analyse biologique pour un BMI supérieur à 25, il est donc capital de veiller à la répartition graisseuse régionale en effectuant une mesure du tour de taille.
Critères de sélections pour l’obésité abdominale
L’obésité abdominale est déterminée par un tour de taille moyen égal ou supérieur à 102 cm pour les hommes et à 88 cm pour les femmes. On parle de syndrome métabolique pour (1):
- L’obésité abdominale (voir tour de taille)
- L’hypertriglycéridémie (triglycérides supérieurs ou égaux à 150 mg/dl)
- Pression systolique égale ou supérieure à 130 mm Hg et pression sanguine diastolique égale ou supérieure à 85 mm Hg
- Cholestérol HDL en dessous de 40 mg/dl pour les hommes et de 50 mg/dl pour les femmes
- Glycémie à jeun égale ou supérieur à 110 mg/dl
Le Prof. Dr. Scheen, Diabetes, Nutrition and Metabolic Disorders Unit, Liège, a traité de la prévention du diabète de type 2. Plus de 80 % des cas de cette forme de diabète sont associés à l’obésité. Une surcharge pondérale même modeste peut déjà constituer un facteur de risque lorsque la graisse se situe principalement au niveau abdominal. Le Prof. Scheen a évoqué une étude portant sur 84.941 infirmiers aux Etats-Unis (2). Durant un suivi de 16 ans, il y a eu 3.300 nouveaux cas de diabète de type 2. En comparaison avec un BMI < 23 (risque relatif ou RR = 1.0) le RR de diabète pour un BMI entre 23.0 - 24.9 s’élève à 2.67, pour un BMI entre 25.0 – 29.9 le RR est de 7.59, entre 30.0 – 34.9, le RR est de 20.1 et pour un BMI supérieur à 35.0, le RR atteint 38.8 !
Des études récentes d’intervention menées en Finlande (3) et aux Etats-Unis (4) montrent, chez des personnes obèses avec un test de tolérance au glucose perturbé, qu’un régime et une activité sportive peuvent faire baisser le risque relatif de diabète de type 2 de l’ordre de 58 %. Ce résultat était obtenu avec une perte de poids qui atteignait seulement 5 % sur une période d’un an ! Stimuler ou inhiber la re-capture ?
Le Prof. Dr. Laekeman, Faculty of Pharmaceutical Sciences, Louvain, a traité des propriétés pharmacologiques de la sibutramine (Reductil®). La sibutramine exerce un double effet central via les métabolites actifs, d’une part une inhibition de la re-capture de la sérotonine et, d’autre part, une inhibition de la re-capture de la noradrénaline. Grâce à l’effet de la préparation, les deux neurotransmetteurs restent actifs plus longtemps dans la fente synaptique et au niveau des récepteurs post-synaptiques. Ce mécanisme ne va cependant jamais plus loin que les mécanismes de contrôle physiologiques. En opposition à la sibutramine, certaines molécules comme la dexfenfluramine (Isomeride®) stimulent, selon une relation dose dépendante, la quantité de sérotonine délivrée dans la fente synaptique. Ceci résulte en une augmentation des concentrations extracellulaires de sérotonine jusqu’à 12 fois plus élevées qu’avec la sibutramine.
La perte de poids provoquée par la sibutramine est causée par une perte d’appétit consécutive à l’augmentation du sentiment de satiété et par une hausse de la consommation énergétique par stimulation du métabolisme de base. La sibutramine est disponible sous forme de gélules de 10 ou 15 mg, une fois par jour. La préparation est requise pour le traitement et le follow-up de patients obèses avec un BMI > 30. En cas de troubles concomitants, comme le diabète de type 2, la dyslipidémie, ... l’administration est indiquée à partir d’un BMI > 27.
La nature a aussi ses dangers
Un bel exemple du suivi scientifique continu des édulcorants de synthèse est le cas de l’aspartame. Il s’agit sans nul doute du produit sucrant sur le dos duquel on a cassé le plus de sucre. Tantôt accusé de porter atteinte à la santé de la femme enceinte et de sa progéniture, d’exercer des effets cancérigènes, de provoquer des maux de tête, des troubles digestifs, … aucune étude à ce jour (plus de 200 et sur de larges échantillons) n’a pourtant apporté la preuve d’une éventuelle toxicité. La seule contre-indication majeure demeure toujours la phénylcétonurie (1 cas sur 15000 en Europe).
Côté « naturel », le cas du stévioside est éloquent. Cet édulcorant très puissant, doté d’un arrière-goût de réglisse, provient d’une plante originaire d’Amérique du Sud : la Stevia rebaudiana Bertoni. Stable à la cuisson (ce qui n’est pas le cas de l’aspartame, même si ce « défaut » peut être corrigé dans les mélanges d’édulcorants), ce composé tout à fait naturel se décompose dans l’organisme en stéviol, qui s’avère mutagène chez le rat… Son approbation a donc été rejetée par le Comité Scientifique de l’Alimentation Humaine, en 2000. La FDA et le JECFA ont adopté les mêmes positions.
L’étude “STORM”
Le dernier présentateur, le Prof. Dr. Van Gaal, Department of Endocrinology/Diabetology, Anvers, a abordé l’efficacité et la sécurité de la sibutramine. Des adaptations des habitudes de vie et alimentaire forment la base du traitement de l’obésité. Les résultats de cette approche sont, à long terme, décevants, car la recherche scientifique pour un traitement efficace de l’obésité mène surtout à une approche pharmacologique. Le Prof. Van Gaal a fait partie du groupe d’étude STORM (Sibutramine Trial of Obesity Reduction and Maintenance) (5).
Cette étude avait pour but de suivre l’évolution d’une perte de poids initiale durant 18 mois. Un groupe de 605 personnes obèses a reçu durant 6 mois un régime pauvre en énergie (quotidiennement déficitaire de 600 kcal par jour), un traitement par activité physique et 10 mg de sibutramine par jour. Après 6 mois, la perte de poids moyenne était de 11.3 kg. Ce groupe fut randomisé en un groupe placebo (n = 115) et un groupe sibutramine (n = 352). Deux ans après le début de l’étude, la perte de poids dans le groupe placebo était au minimum de 4.7 ± 7.2 kg et dans le groupe sibutramine minimum de 10.2 ± 9.3 kg. Les facteurs de risque cardio-vasculaires comme les triglycérides et le cholestérol LDL ont diminué fortement alors que le cholestérol HDL s’est élevé durant la seconde année de l’ordre de 20.7% dans le groupe sibutramine et de 11.7% dans le groupe placebo (p<0.001).
La sibutramine permet de conserver une perte de poids limitée à long terme, pour laquelle les valeurs métaboliques sont améliorées de manière notable. Les effets secondaires possibles sont une augmentation du pouls de 4.1 battements par minute, de la pression sanguine systolique de 0.1 mm Hg et de la pression sanguine diastolique de 2.3 mm Hg. Ces effets secondaires n’affectent pas l’influence favorable de la sibutramine sur les lipides sanguins. Patrick Mullie
Diététicien
Références :
1. Expert Panel on Detection, Evaluation and Treatment of high blood cholesterol in adults. Executive Summary of the Third Report of the National Cholesterol Education Program (NCEP) Expert Panel on Detection, Evaluation, and Treatment of High Blood Cholesterol in Adults (Adult Treatment Panel III). Jama 2001;285:
2486-2492.
2. Hu FB, Manson JE, Stampfer MJ, et al. Diet, lifestyle and the risk of type 2 diabetes mellitus in women. N Engl J Med 2001;
345:790-797.
3. Tuomilehto J, Lindstrom J, Eriksson JG, et al for the Finnish Diabetes Prevention Study Group. Prevention of type 2 diabetes mellitus by changes in lifestyle among subjects with impaired glucose tolerance. N Engl J Med 2001;344:1343-1350.
4. The diabetes Prevention Program Research Group. The Diabetes Program. Design and methods for a clinical trial in the prevention of type 2 diabetes. Diabetes Care 1999;22:623-634.
5. James WPT, Astrup A, Finer N, et al. Effect of sibutramine on weight maintenance after weight loss : a randomised trial. Lancet 2000;356:2119-2125. |