Par Magali Jacobs, Diététicienne
" HEALTH & FOOD " numéro 86, Janvier 2008
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Côté nutriments, la fève de cacao contient avant tout des lipides (45-55%), suivis des glucides (30-40%), dont une partie (18-25%) exerce un effet fibre, et des protéines (8-15%) (1). La poudre de cacao a une composition un peu différente car il s'agit d'un produit duquel une partie de la matière grasse a été retirée. Mais le trésor du cacao réside dans sa teneur en micronutriments. Outre une grande richesse en minéraux (potassium, magnésium, fer, zinc, cuivre, manganèse...), le cacao se distingue par un profil nutritionnel où figurent des alcaloïdes (théobromine, théophilline, caféine), des composés phénoliques simples et de nombreux flavonoïdes. Parmi ceux-ci, on compte les anthocyanidines, flavones, isoflavones, flavonols, et les fameux flavanols présents en plus grandes quantités et qui on su attirer l'attention des scientifiques. Les différents flavanols du cacao sont principalement représentés par les catéchines et les épicatéchines.
Bon à savoir
On croit souvent que plus un chocolat est riche en cacao, plus il contient de flavanols. Ce n'est pas tout-à-fait vrai. Le cacao employé pour la fabrication du chocolat peut contenir plus ou moins de flavanols. Une perte de flavanols peut s'opérer lors de la fermentation des fèves, de leur séchage et de leur torréfaction. Le procédé de fabrication du chocolat entre aussi en ligne de compte. Globalement, les opérations où le cacao est en contact avec l'air ou la chaleur entraînent une perte de flavanols. Voilà pourquoi, à teneur en cacao égale, deux chocolats peuvent présenter des teneurs en flavanols très différentes.
Il était une fois...
A l'origine des nombreuses études sur les effets santé du cacao, une observation pour le moins curieuse: le faible taux d'accidents cardiovasculaires remarqué dans la population des indiens Kuna vivant sur une île du Pacifique. Un taux qui augmente pour rejoindre celui de la population générale une fois que ceux-ci se déplacent pour aller vivre sur le continent. Et ce n'est pas le stress citadin qui se voit pointer du doigt par les chercheurs, mais bien le changement dans les habitudes de consommation de la boisson traditionnelle des indiens Kuna, à base de cacao. Les habitants de l'île en boivent à raison de 5 tasses par jour mais elle est abandonnée ou du moins fortement délaissée chez les habitants de la ville. Voilà déjà une dizaine d'années que ce constat a été fait. Depuis, de nombreuses études ont montré un lien entre la consommation de flavanols provenant de divers aliments et une faible incidence de maladies cardiovasculaires. Le cacao occupe une place de choix dans ces investigations car c'est un des aliments les plus riches en flavanols qui existe et dont le profil en flavanols s'est avéré capable de protéger la fonction cardiovasculaire. Grâce à des années de recherche, le mode d'action de ces flavanols est à présent mieux connu. Il apparaît que leur terrain d'action est double. Ainsi, ils favorisent la relaxation des vaisseaux et agissent également sur l'agrégation plaquettaire.
Relâcher la pression
On dit parfois que le chocolat aide à décompresser... Cette expression figurée semble bien être valable au propre également. En effet, une des raisons pour lesquelles le cacao protège des maladies cardiovasculaires est son action sur les vaisseaux sanguins. Les flavanols participent à la relaxation de ces vaisseaux, ce qui aide à limiter le risque d'obstruction. Cet effet est médié par l'augmentation plasmatique des taux d'oxyde nitrique, produit par les cellules endothéliales et qui contrôle la dilatation de vaisseaux. Une étude a montré que la consommation de cacao riche en flavanols entraînait une augmentation des taux plasmatiques de flavanols et de NO ainsi qu'une dilatation vasculaire. Les effets disparaissaient 6 heures après la consommation du cacao. La présence de flavanols dans le plasma permet de vérifier leur absorption et d'établir un lien de cause à effet avec la dilatation vasculaire, effet qui s'opère probablement via une affectation des taux plasmatiques de NO (2). De plus, la réponse vasculaire s'est avérée dose-dépendante. L'administration de doses de flavanols allant de 200 à 1000 mg a été liée à une augmentation graduelle de la dilatation vasculaire, allant du simple au double (3). Enfin, il a été montré que les bénéfices sur la dilatation vasculaire d'une consommation quotidienne de cacao, pendant une semaine, étaient supérieurs à ce qui est observé lors d'une prise unique, ce qui soutient l'idée qu'une consommation régulière de cacao peut jouer un rôle intéressant dans la santé vasculaire d'un individu.
Action sur l'agrégation plaquettaire
Outre leur effet sur la vasodilatation, les flavanols se sont aussi montrés capables de diminuer l'agrégation plaquettaire. Limiter la formation de caillot est un élément important dans la prévention des thromboses, accidents vasculaires cérébraux et infarctus du myocarde. Combiner un tel effet à un pouvoir vasodilatateur permet d'expliquer pourquoi les flavanols peuvent apporter une protection cardiovasculaire significative. Les données actuellement disponibles font état d'un effet anti-agrégant du cacao tant à court terme qu'à long terme. Comme il est difficile d'étudier la fonction plaquettaire in vivo, mais qu'il faut pouvoir tenir compte du métabolisme des flavanols, les études portent généralement sur l'analyse d'échantillons sanguins après ingestion de cacao riche en flavanols.
Une étude a comparé les effets des flavanols de cacao à ceux de l'aspirine. L'effet anti-agrégant observé avec le cacao était certes plus faible qu'avec l'aspirine mais était tout de même significatif, 6 heures après l'ingestion (4). Une autre étude s'est penchée sur l'effet de la consommation de comprimés riches en flavanols de cacao (234 mg par comprimé) durant 28 jours. Par rapport au groupe contrôle qui recevait un placebo, les personnes qui recevaient les comprimés avec les principes actifs ont vu leur agrégation plaquettaire dimininuer de manière significative et de façon plus importante que ce que l'on peut observer dans les études à court terme où les participants prennent généralement des doses de flavanols bien plus élevées (5). L'action inhibitrice des flavanols du cacao sur la formation de caillots in vivo est donc plus que probable.
Terminons par préciser que l'on attribue souvent le bénéfice cardiovasculaire des flavanols du cacao à leur action anti-oxydante. Pourtant, il semblerait que ces caractéristiques soient indépendantes l'une de l'autre. En effet, les flavanols du cacao exercent leur action sans que l'on puisse observer un quelconque changement au niveau de différents marqueurs du stress oxydatif, comme par exemple la capacité antioxydante du plasma.
Par Magali Jacobs, Diététicienne
Références
(1) Catherine Kwick-Uribe. Les avantages des flavanols de cacao. Conférence de presse Mars Nutrition, Bruxelles, le 28 novembre 2007.
(2) Schroeter H et al. Proc Natl Acad Sci 2006; 103: 1024-9.
(3) Heiss C et al. J Cardiovasc Pharmacol 2007; 49: 74-80.
(4) Pearson DA et al. Thromb Res 2002; 106: 191-7.
(5) Murphy KJ et al. Am j Clin Nutr 2003; 77: 1466-73.
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