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Prébiotiques : l’art de nourrir l’intestin et la santé

Parmi les aliments fonctionnels, les prébiotiques sont certainement les produits qui présentent la plus grande diversité d’action. Bref tour d’horizon de leurs principales actions…

Par Patrick Mullie

" HEALTH & FOOD " numéro Spécial, Mai 2005

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Pour le profane, il est encore difficile aujourd’hui de s’y retrouver dans les notions de pré-, pro- et synbiotique. Contrairement au probiotique, qui contient des micro-organismes vivants, un prébiotique est un ingrédient alimentaire (principalement des oligosaccharides) qui a la propriété de stimuler la croissance sélective de bactéries non pathogènes, et d’influencer favorablement la santé de l’hôte. Le synbiotique, enfin, est la combinaison d’un prébiotique avec une ou plusieurs souches probiotiques.

Favoriser la croissance

A l’origine, on supposait que le rôle du côlon se limitait à des fonctions telles que l’absorption de l’eau et l’élimination des déchets. On sait aujourd’hui qu’il s’agit d’un organe très intelligent. En effet, la flore intestinale jouerait en réalité d’importants rôles dans la prévention d’un grand nombre de maladies. Une flore intestinale équilibrée empêche la croissance des bactéries pathogènes en formant une barrière physique protectrice, en régulant le transit intestinal, en stimulant le système immunitaire intestinal ou encore en transformant certaines fibres alimentaires en précieux acides gras à chaîne courte (comme le butyrate, utilisé comme substrat par les colonocytes). La population microbienne du côlon avoisine les 1014 individus, soit 10 fois plus que le nombre total de cellules qui compose notre organisme. Des 600 espèces bactériennes différentes qui constituent la flore intestinale, les bifidobactéries sont plus qu’utile, dans la mesure où elles ralentissent la croissance des bactéries potentiellement pathogènes.

Le monde des fructanes

L’inuline et l’oligofructose sont des glucides aux propriétés particulières. Ils appartiennent à la famille des fructanes ou fructo-oligosaccharides, des fibres fermentescibles qui se retrouvent dans plus de 36000 sortes de plantes différentes où ils assurent la fonction de réserve d’énergie. Ces deux composés sont formés de chaînes linéaires de molécules de fructose, avec un glucose terminal. L’inuline a un plus grand degré de polymérisation que l’oligofructose. En raison de sa configuration moléculaire, l’inuline est moins soluble dans l’eau froide que l’oligofructose et a donc tendance à former un gel en milieu aqueux. Ce gel forme un réseau tridimensionnel de fines particules insolubles, qui reproduisent en bouche l’onctuosité de la graisse. C’est pourquoi l’inuline est utilisée comme substitut de graisse ou comme agent texturant dans les produits laitiers, les dressings et certains desserts. L’oligofructose a des propriétés comparables au saccharose, tout en étant moins “sucré” et moins énergétique, d’où son utilisation dans les aliments en tant que substitut du saccharose.

Sur le plan industriel, l’inuline est extraite mécaniquement de la racine de chicorée. Celle-ci contient 15 à 20 % d’inuline et entre 5 et 10 % d’oligofructose. Le procédé d’extraction de l’inuline de la racine est semblable à celui utilisé dans l’industrie sucrière. La racine de chicorée est d’abord découpée et lavée. Ensuite, l’inuline est extraite de la racine par diffusion dans l’eau chaude, suivie d’un séchage rapide.

L’intestin pour cible

L’inuline et l’oligofructose améliorent le fonctionnement du côlon de manière identique aux autres fibres alimentaires. En raison de leur action sur la flore intestinale, l’inuline et l’oligofructose ont été classés en tant que prébiotiques. L’excrétion fécale bactérienne peut augmenter de 50 % en présence d’inuline et d’oligofructose. Les études montrent que la plupart des souches de bifidobactéries se multiplient mieux avec la consommation d’inuline et d’oligofructose. Et de manière remarquable, cet effet n’est pas dépendant de la dose d’inuline, mais plutôt de la quantité initiale de bifidobactéries présentes dans les faeces : plus elle est basse, plus l’augmentation de la population bifidobactérienne est importante.

La consommation d’inuline et d’oligofructose semble augmenter la biodisponibilité du calcium, même si plusieurs études doivent encore confirmer cet effet chez l’homme. Une des explications plausibles à ce phénomène réside dans la formation d’acides gras à chaîne courte au cours de la fermentation de l’inuline par la flore intestinale. La baisse du pH luminal qui en résulte favorise l’ionisation du calcium qui est absorbé plus facilement par diffusion passive. Etant donné que l’inuline est couramment utilisée dans les produits laitiers, cette action potentialisatrice de l’absorption du calcium est un aspect intéressant à suivre dans la lutte contre l’ostéoporose.

Régulation intestinale

L’apport alimentaire d’inuline peut conduire également au soulagement des symptômes de la constipation, aussi bien en augmentant la fréquence que le volume des selles. Différents facteurs éclaircissent cette action : une augmentation de la biomasse dans les faeces, une amélioration des réactions de fermentation et du travail bactérien. Pour chaque gramme d’inuline ou d’oligofructose consommé, le poids des selles s’élève de 1.5 à 2 g. L’inuline et l’oligofructose ont par ailleurs un effet régulateur du transit intestinal qui est mieux ressenti par les volontaires ayant une fréquence des selles naturellement basse que chez les volontaires présentant un schéma d’exonération pratiquement normal.

La diminution du risque de cancer colorectal intéresse aussi les prébiotiques. Au cœur de cette action, on retrouve encore une fois les produits de la fermentation, en particulier le butyrate, un acide gras à chaîne courte qui peut induire l’apoptose cellulaire. En favorisant l’installation d’une flore intestinale équilibrée, les prébiotiques diminuent aussi les chances d’adhésion des substances carcinogènes et favorisent la création d’un milieu acide dans le gros intestin, des conditions qui ralentissent sérieusement le développement tumoral.

Quelques effets hypolipémiants

L’expérimentation animale suggère fortement que l’inuline et l’oligofructose exercent des effets hypolipémiants. Cette hypothèse est encore très controversée chez l’homme où les effets sont beaucoup plus mitigés. Cet effet passerait par l’action de certains acides gras à courte chaîne sur la synthèse hépatique des acides gras. Il se mesurerait à la fois sur les triglycérides et le cholestérol. La tendance observée chez l’homme, à la différence d’un effet net obtenu chez l’animal, pourrait trouver une clarification dans les doses d’inuline et d’oligofructose employées dans les études. Là où les rongeurs peuvent recevoir entre 50 à 80 g d’inuline par jour, les volontaires humains ingèrent en moyenne seulement 10 à 20 g de fructanes. On ignore tout à l’heure actuel de l’impact de telles doses d’inuline sur l’organisme, à l’exception peut-être des symptômes gastro-intestinaux qu’elle génère au-delà de 30 g par jour (ballonnements, flatulence, diarrhée).

Les variations des résultats peuvent être également tributaires des formes d’administration, des différences individuelles et interespèces, mais aussi de la compliance des volontaires, qui est souvent fonction de la tolérance gastro-intestinale.

D’autres travaux se focalisent aussi sur les effets de l’inuline et l’oligofructose sur le contrôle glycémique et le contrôle de l’appétit. Et les résultats préliminaires sont encourageants, ce qui démontre le potentiel énorme d’un aliment aussi simple et naturel que la racine de chicorée…

Patrick Mullie
Diététicien

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