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Diété-Toc N°45
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Analyse capillaire :
une méthode tirée par les cheveux ?

Les tests capillaires sont de plus en plus utilisés pour établir un diagnostic du statut nutritionnel. Une étude récente jette le doute sur la fiabilité de la méthode.

Par Nicolas Guggenbühl

" HEALTH & FOOD " numéro 45,
Février-Mars 2001

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Le cheveu, tissu de notre corps, est-il le miroir de notre composition corporelle ? Aux Etats-Unis, pas moins de 225 000 analyses de ce type sont effectuées chaque année, sans compter celles qui portent sur la détection de cocaïne et autres drogues illicites. Des laboratoires proposent souvent leurs services sur l'Internet, ce qui dispense de devoir passer par un médecin pour se voir dresser un bilan complet sur base d'une simple mèche de cheveux.

Bien entendu, on peut s'interroger sur la crédibilité de cette “auscultation à distance”. Dire que l'analyse du cheveu n'a aucune valeur n'est pas plus censé que de voir dans cette technique un moyen de déceler les carences et/ou les excès nutritionnels. Les cheveux peuvent ainsi permettre de déceler une exposition au mercure ou à l'arsenic. Mais la carrière du cheveu en tant que marqueur biologique pour d'autres substances n'est que peu documentée. Ce qui n'empêche en rien certains laboratoires de parler d'une technique reconnue par les scientifiques, de présenter les résultats sous forme de séduisants graphiques et surtout, de formuler des recommandations nutritionnelles avec très souvent, l'un ou l'autre complément nutritionnel à envisager.

Quel crédit peut-on accorder aux analyses capillaires ? En 1985, une étude avait déjà montré la piètre fiabilité de ces tests. Avec le temps, les techniques d'analyse se sont perfectionnées et l'on peut donc s'interroger sur la pertinence des résultats fournis aujourd'hui par les laboratoires. Tel était l'objectif des services de santé de Californie, dont l'étude a été publiée récemment dans le JAMA. Des cheveux (non traités) d'une femme de 40 ans et en bonne santé ont été minutieusement répartis en lots et envoyés à 6 laboratoires qui, ensemble, réalisent 90 % des analyses minérales de cheveux aux Etats-Unis.

Résultats contradictoires

Pour quatorze des trente et un minéraux analysés, les valeurs trouvées différaient significativement pour au moins trois laboratoires. Et les différences sont loin d'être minimes : pour douze minéraux, l'écart entre la concentration la plus faible et la plus élevée atteignait un facteur dix!

Les seuils utilisés comme référence pour considérer comme normal le contenu des cheveux, trop bas ou trop élevés, différaient d'un laboratoire à l'autre pour pratiquement tous les minéraux. Cinq des six laboratoires ont constaté, pour un élément au moins, une concentration anormalement élevée mais la substance en excès était différente pour tous les laboratoires !

On ne s'étonnera pas, sur base de ces disparités, de constater que les recommandations découlant de l'analyse capillaire sont incohérentes, voire rocambolesques. Ainsi, alors qu'il s'agissait des cheveux de la même personne, un laboratoire déduisait que le propriétaire du cheveu avait un “métabolisme rapide” et lui recommandait de cesser de prendre de la vitamine A, alors qu'un autre concluait que le même sujet présentait un métabolisme trop lent et lui conseillait de majorer sa consommation de vitamine A. De quoi s'arracher les cheveux !

Nicolas Guggenbühl

Réf. :
Seidel S et al. Assessment of Commercial Laboratories Performing Hair Mineral Analysis. JAMA 2001;285:67-72.

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